Against the World par Joro Andrianasolo
Avec leurs deux précédents albums, les californiens de Winds Of Plague avait jeté un pavé dans la mare, construisant un pont assez improbable reliant metal symphonique, extrême et hardcore. Originalité qu’ils avaient poussée jusque dans leur vidéos (on se souvient avec plaisir de "The Impaler", mettant en scène tous les clichés du clip de rap US). 3 ans après un Decimate The Weak acclamé pour sa combinaison d'anticonformisme et d’efficacité, l’heure de confirmer ou pas leur potentiel est venue.
Encore un changement de style ? Les premières écoutes pourraient laisser cette impression. Les éléments symphoniques plus atténués sur The Great Stone War ne se présentent maintenant plus que par bribes. En tout cas, ils en ont l'air ... Erreur ! Against the World met juste un peu de temps à décoller, mais une fois que c’est fait, on ne touche plus la terre. Admirez ces chœurs d’enfants malsains sur "Rise of the Dead" et "One for the Butcher" (« promenons nous dans les bois » … enfin un truc comme ça, vous m’avez compris). Les éléments death/black passent un peu à l’arrière plan, mais vous savez-quoi ? Ça fonctionne toujours ! La formule n’a pas sensiblement changé, mais la dose de hardcore a simplement gagné de la place. Winds Of Plague se fait bien plus propice au pogo, sans perdre complètement de vue les ambiances religieuses des claviers. On sent que le groupe renoue un peu plus avec ses racines. "Drop the Match" ou "Refined in the Fire" rappellent carrément Hatebreed (et la présence de Jamey Jasta en guest ne trompe pas). Au lieu de les mêler en quantité égale au death/black comme auparavant, les éléments hardcore deviennent beaucoup plus présents. Du coup, ce qui faisait toute l’originalité des Américains semble passer à la trappe. Mais non, leur quasi-absence n’est que momentanée puisque les orchestrations reviennent en force sans tarder.
Et n’oublions pas Johnny Plague (oui il se fait appeler comme ça maintenant), qui n’a plus à prouver son aisance dans tous les vocaux extrêmes : black, death, thrash et bien sûr hardcore (la dominante cette fois-ci) c’est l’homme de la situation. On passe à la vitesse supérieure sur le très bon "Built for War" avec son entrée en matière guerrière. Un morceau clairement imparable, aux accélérations foudroyantes (juste avant le solo de guitare slayerien). On côtoie même un tout petit peu le metal barré sur "Most Hated", la tuerie absolue de l’album, qui s’enchaine avec élégance sur un classieux instrumental (pourquoi ne diable pas en avoir fait un seul morceau épique ?). On n'a pas fini ! La narration est quelques peu clichesque sur "The Warrior Code", mais on dira que c’est le style qui veut ça, peut-être le seul petit désagrément de l'album au final. Pour la suite: successions de plans hallucinantes sur "Monsters" et une hymne à la jump jump attitude sur le titre éponyme, avec ses couplets qu’on aurait aussi bien pu entendre chez Madball. Les « yeah motherfuckers » scandés par le chanteur de Terror sur le sautillant "California" enfoncent le clou pour ceux qui doutaient encore de l'orientation sur laquelle cet album insiste beaucoup. Les passages rappés évoquent les moments les plus rageux d’un Biohazard. Riffs venus du hardcore et du deathcore, mélodies épiques du death mélodique et du black sympho, un melting pot peu courant, mais que Winds Of Plague pratique avec une aisance insolente.
On ne peut que bénir le jour où ces messieurs (et dames) ont eu l'étrange mais ingénieuse idée d’intégrer du black symphonique dans des compositions très typées deathcore/metalcore. Après s’être fait une place de choix parmi les groupes à suivre du metal généraliste, ils viennent de justifier tous les espoirs placés en eux. Sans même avoir à se donner la peine de réinventer quoi que ce soit, les voilà qui accouchent d’un quatrième rejeton assez monstrueux et affirment une identité musicale immédiate. Quel plaisir d’avoir des musiciens de leur trempe …