C’est ainsi que le label expire dans un dernier souffle cet Angst EP, par le français Valentin Stip. Adieu Clown & Sunset, adieu.
”Angst” est bien l’acte final. Jaar dit au revoir, et le projet s’évapore, une tâche de vapeur qui s’exhale contre un miroir. Si vous pensiez comme nous qu’il a fait preuve d’un peu de masturbation intellectuelle ces derniers temps, vous étiez comme nous dans le faux. Car là où certains auraient aimé que ce mec arrête de faire des trucs débiles, d’autres y ont vu un génie.
Ceux là serons ravis de découvrir avec surprise qu’il initie un nouveau label, toujours avec la même bande de potes et d’autres inconnus qui viendront s’y greffer : Other People. Le principe du label est déjà connu de certains. Grâce à un abonnement de 5 $, vous recevrez chaque dimanche, un track d’un des artistes. Une compile “Trust” a aussi vu le jour dans laquelle vous pouvez déjà écouter la direction artistique que prend ce nouveau label. Mais trêve de digression, c’est bien de Valentin Stip dont il s’agit ici.
Agé de 23 ans, ce parisien expatrié à Montreal entretient son piano et découvre la liberté de création d’un laptop après son installation dans le grand froid. On entend déjà parler de lui avec son premier EP : “Anytime Will Do”. c’était en 2011, et il nous avait touché. On le retrouve un peu après dans une compilation bien connue intitulée “Don’t Break My Love”, où il livre un track imprononçable qui fera parler de lui : ‘Hiathaikm’. Puis, plus rien. Jusqu’à cet EP “Angst” arrivé de nulle part, nous amenant autre part.
On se réenchante de la fameuse ‘Hiathaikm’, accompagnée de son excellent remix par Hugo Bocca (un pote de Valentin habitant aussi à Montreal). Tous deux travaillent en commun sur un projet très prometteur : “Booma Collective” et bientôt “Booma Music”, là aussi : à suivre de très près. Ces deux titres complètent parfaitement les trois autres morceaux tout aussi saisissants, relevant d’un travail d’orfèvre. Le sample y est manié avec une habilité et une sensibilité plus que remarquables. Le mixage est tout aussi pointu ; vous retrouverez là le travail d’ingénieur de Rashad Becker (Dubplates & Mastering) qui traite les fréquences d’artistes comme Plastikman, Monolake, Villalobos, Pantha Du Prince ou encore Âme. L’homme n’a pas peur de polir entre ses tympans les bijoux vibratoires que lui confient certains de nos compositeurs contemporains bien-aimés.
Quoi qu’il en soit, cela reste impressionnant, et ce, dès la première écoute. La finesse des détails par exemple : chaque fraction de son incorpore sans aucun doute en elle-même une histoire.
En prenant pour image le cycle de l’eau, c’est dans cet étrange échange qu’un océan sonore nous terrasse le coeur. Comme des vagues, les basses fluidifient chaque courbe, qui, dans leurs roulements, expulsent à travers l’écume des fréquences plus hautes. Elles se brisent en une réverbération puissante et s’évaporent par des chemins lumineux aux nuances méconnues. Comme le suggère l’artwork, photographié par Stephane Jourdan, la lumière aspire la matière et c’est dans un tourbillon qu’elle l’élève ; puis on imagine qu’elle la transporte jusque dans la cime, la laissant ainsi filer. Elle s’y écoule comme une pluie, cette musique s’infiltre alors dans les cavernes de notre ouïe, puisant son minéral à travers notre roche interne, cycle inépuisable, et finit de s’élancer inexorablement dans les fleuves que sont nos veines, revenant à sa source, plus riche encore à chaque fois.
Valentin nous disait l’autre jour qu’il préférait cette photo à une autre pour ce qu’elle représentait : le tourbillon de l’angoisse, la peur devant soi-même. La peur de soi-même. Alors les métaphores sur l’eau le rejoignent sur ce point, l’eau nous nourrit et nous sculpte comme la peur le ferait avec notre être. Chacun de ces morceaux creusent celui qui l’écoute.