Lâcheté et mensonges
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Il faut bien reconnaître que la jeune scène Rock mondiale actuelle est tellement dynamique qu’il est facile de passer à côté d’un nouveau groupe susceptible de nous ravir : c’est ainsi que le premier album de Silverbacks, "FAD", était passé sous notre radar en juillet 2020. Heureusement, leur second opus, "Archive Material", qui fait beaucoup parler de lui, va nous donner amplement la possibilité de nous rattraper.
Silverbacks est donc un autre groupe de la scène bouillonnante de Dublin, mais même s’il sera sans nul doute étiqueté – un peu paresseusement – comme « post punk », sa musique n’a rien à voir avec celles de ses célèbres collègues de The Murder Capital ou Fontaines DC. On aurait plutôt tendance à situer l’ADN du quintet – fondé par les Frères Daniel et Kilian O’Kelly – du côté de la non moins bouillonnante scène de Brooklyn (Gustaf ou Bodega semblent parfois assez proches…), de l’autre côté de l’Atlantique : il y a chez Silverbacks ce même petit mélange très décontracté, presque slacker, d’influences new-yorkaises – Talking Heads pour le phrasé du chanteur (on appréciera le refrain en français de "Archive Material" : « Ils s’entendent pas ! Ils s’entendent pas ! »), Television pour les guitares bavardes, et Pavement pour cette impayable décontraction qui cache mal une belle complexité – et d’expérimentation électronique sans prétention ("Carshade").
Avec pour principal objectif de nous faire danser avec un grand sourire, grâce à des rythmes imparables et des mélodies faciles à reprendre (sur l’irrésistible "Different Kind of Holiday"), malgré un goût évident pour les dissonances. Bref, une musique pop presque joyeuse – comme "Econymo" -, avec juste ce qu’il faut de dérapages, parfois inconfortables, pour encore surprendre les plus aguerris parmi les auditeurs (la flûte et les vocaux quasi « ambient » de "Wear My Medals"). De temps en temps, la pression monte, avec un "Central Tones" qui cherche à atteindre un niveau d’intensité plus élevé par rapport à l’esprit assez décontracté de l’album… ou un "Recycle Culture" où le groupe semble presque – enfin ? – se mettre en colère contre le manque d’imagination de notre culture actuelle.
Silverbacks a également déjà acquis la réputation d’un groupe qui se soucie de parler de sujets qu’on qualifiera de « sociétaux » pour faire court : même si nombre des textes de chansons sont finalement un peu obscurs, "Archive Material", comme son titre l’indique clairement, se veut un témoignage sur notre drôle de vie en 2021/2022 : du confinement sous la pression pandémique ("Different Kind of Holiday") à la perte de sens du travail ("A Job Worth Something" : « Who had a job worth something? / When they’re just hanging on », soit « Qui avait un travail qui valait quelque chose ? / Quand il ne faisait que glander… »), en passant par l’urbanisation dévorant l’âme des petites communautés ("They Were Never Our People" : « Let’s head to the joint where the locals don’t point / And the carpet smells of rain », qu’on peut traduire par « Allons au troquet où les locaux ne se pointent pas / Et où la moquette sent la pluie »), Silverbacks chante notre vie ordinaire. Pas mal pour une bande de joyeux musiciens qui ne semblent que vouloir s’amuser, non ?
L’album se clôt sur "I’m Wild", porté par la voix rafraichissante d’Emma, la bassiste, qui conjugue atmosphère planante, sereine et lumineuse, et crise de nerfs de guitares électriques. Une preuve de plus qu’il est difficile de savoir dans quelle direction va se poursuivre l’intriguant périple de Silverbacks.
[Critique écrite en 2022]
Retrouvez cette critique et bien d'autres sur Benzine Mag : https://www.benzinemag.net/2022/01/26/silverbacks-archive-material-des-dublinois-slackers-et-dansants/
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Créée
le 25 janv. 2022
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