La musique des enfants de la nuit
Ses oreilles ressentent la brûlure, elle sait que d'ici peu de temps elles ne ressentiront plus rien. Ses autres extrêmités corporelles les suivront peu à peu. Pas vraiment piégée dans son corps, mais diminuée, un brouillon animal parmi les merveilles naturelles. Le vent infiltre ses vêtements, elle accepte le sacrifice progressif de ses doigts, elle s'en défait : pour elle, ils ne sont déjà plus là. La morsure du vent sur sa chair, contrastant avec la couture chaude de son manteau, la perturbe. Il faut maintenant renoncer à ce dernier désir, l'acceptation de la dernière pensée d'une victime de noyade : "avaler l'eau". Tant pis. Elle laisse l'élégante doublure intérieure glisser précieusement sur ses épaules, le manteau tomber les bras ballants dans la neige, et le vent fouetter son entière poitrine d'un seul coup. Elle s'effondre sous le choc de la rapine que sa peau dévastée endure. Sa conscience combat la douleur, "encaisse, ne perds pas la tête, ferme les yeux, tu n'as pas besoin de voir arriver, tu voyais arriver cela de loin, tu savais ce dont il s'agissait, tu as vécu par instinct, maintenant... meurs..."
Le son discordant et pourtant sensible d'un instrument à cordes : les loups. Elle n'est plus consciente du nadir, seul le zénith vient à elle, une inspiration divine. "Vis, petite idiote", "Va te... faire foutre..." ; la dernière catharsis provenant de ses lèvres défaillantes, le dernier souffle à tout ce que la vie peut donner comme épitomé, est le souffle donné dans le refus de vivre. Des ombres apparaissent dans le néant blanc éclatant, ses loups, sa libération de la conscience. Venez, déchirez ce qui vous sera donné de bon cœur, soyez couverts du sang débité.
...
Elle se réveille, elle est vivante, elle est au chaud. Les loups sont des huskies. Elle qui s'est noyée et a accepté la mort. Ses oreilles et doigts désormais incendiaires pour ses nerfs. La caresse d'un duvet blanc, la fourrure d'un animal perdu à tout jamais.