Le Black Sabbath du Neofolk
Current 93, c’est un peu au Neofolk ce qu’est Black Sabbath au Doom Metal et au Heavy Metal. C’est le groupe qui a, dans les années 80, avec Death in June et Sol Invictus, lancé ce nouveau courant qui s’est aujourd’hui pas mal démocratisé. Malgré ce statut de pionnier, ce n’est qu’en 2010 que j’ai découvert les britanniques, avec la sortie de leur album Baalstorm, Sing Omega. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que je suis tombé sur un album et un groupe très intéressant.
Pourtant, j’ai mis du temps à rentrer dedans. Si la musique m’a immédiatement séduit, la voix de David Tibet constituait un obstacle que j’avais du mal à franchir. Il faut bien dire que le chant est assez spécial. Je ne sais même pas si l’on peut ici parler de chant. Tibet semble plutôt scander ces paroles, d’une façon un peu inquiétante. Il y a une sorte de double jeu entre la douceur globale de la musique et la « violence » présente dans cette voix, qui paraît presque possédée. L’association entre ces deux caractéristiques donne à l’ensemble une ambiance très particulière, un peu psychédélique, voire même flippante (les passages avec la petite fille sur le dernier titre, brrrr). Mais voilà, j’ai trouvé cet album curieux et il m’attirait, et j’ai finalement réussi à passer outre l’obstacle de la voix. Je suis assez captivé par l’atmosphère dégagée par la musique créée dans cet album, et à la quelle cette voix contribue finalement. Sans ce chant, j’aurais sans doute été moins pris par un album comme Baalstorm, Sing Omega. L’auditeur est pris dans cette ambiance dès le premier titre, « I Dreamt I Was Æon », qui débute par une belle mélodie au piano, qui pourrait rappeler ce que ‘a proposé Tenhi sur Maaäet ou Airut: Aamujen. Cependant, la comparaison entre les deux groupes s’arrête là. S’ils font tous deux partie du même mouvement musical, leur façon de l’aborder diffère, Current 93 ayant une approche peut-être plus « avant-gardiste ». L’arrivée de la voix dans ce premier titre achève de poser les bases de ce qui est proposé tout au long de l’album. A savoir de belles mélodies portées par un chant pour le moins spécial, qui frôle parfois le malsain.
Personnellement, je ne vois pas passer les cinquante minutes de l’album, tant je suis plongé dedans. Les titres sont tous de bonne facture et permettent de façonner l’ambiance présente tout au long de cet opus. Mais je vais en retenir deux qui me marquent plus spécialement, à savoir « Baalstorm ! Baalstorm ! » et « Tank of Flies ». Le premier est merveilleusement hypnotisant, la mélodie au piano qui se développe de façon de plus en plus prenante tout au cours du morceau est remarquablement menée. On entre dans ce titre de plus en plus au fil de son écoute, la voix prend également de l’ampleur progressivement, la voix de Tibet se faisant de moins en moins contrôlée, de plus en plus « hargneuse » presque, pour finir aussi calmement qu’il a commencé. Exquis. Le deuxième, lui, est beaucoup plus calme et décolle moins, mais n’en a pas besoin. Sa douceur est totalement enivrante, les mélodies simples mais belles, la voix calme tout le long… Sa position joue sans doute aussi en sa faveur, après 5 titres plus « complexes », celui-ci permet à l’auditeur de se détendre quelques minutes.
En somme, Baalstorm, Sing Omega est un album qui, malgré son approche assez spéciale du Neofolk, a fini par me convaincre. Évidemment, il va de soi qu’avec un tel disque, Current 93 n’entend pas s’attirer l’amour de tous. Je vous conseille néanmoins d’entreprendre ce petit voyage psychédélique (mais un beau voyage tout de même, avec des points de repères où s’accrocher) qui s’achève dans le dernier titre (« I Dance Narcoleptic »), qui porte au paroxysme cette atmosphère si particulière. Bien sûr, je ne vous dis pas que vous serez conquis, mais même si cette première écoute vous déroute, essayez à nouveau à un autre moment. Ça a marché pour moi, en tout cas, et je fais de cet album l’un des plus « intéressants » que j’ai pu découvrir cette année. Comme je l’ai dis, c’est le premier que j’écoute du groupe, je ne peux donc faire de comparaison avec leurs « classiques » ou vous conseiller un autre de leurs disques. Par contre, il m’a donné envie de me pencher sur le reste de la discographie de Current 93, ce qui est déjà une preuve de réussite.