AH BORDEL DE MERDE, VOILA, C'EST COMME CA QU'ON FAIT.


Oui pardon je commence fort avec un langage à châtier plus que châtié, mais vous voyez quand vous avez un truc qui vous gratte, et vous gratte, et vous gratte, et que ça vous rend fou, et que ça passe pas, et qu'après une lente agonie vous arrivez ENFIN à trouver un le moment et le truc qui vous soulage ? Bah c'est comme ça que je me suis senti après ma découverte de Daddy Long Legs au hasard de mes errances régulières dans l'harmonica blues.


Un coup d'oeil à mes listes, vous verrez vite que mes tendances musicales sont nettement du côté des trucs qui jouent fort et vite, je joue moi-même fort et vite dans des groupes de grindcore, de d-beat, et j'en passe. Un truc moins visible (y compris dans la vraie vie) c'est que mon premier amour musical, ça a toujours été le blues, surtout quand y'a de l'harmonica, qui est le premier instrument que j'ai appris et toujours mon favori à ce jour. J'ai autant potassé Napalm Death que Little Walter, pourchassé les enregistrements de Disclose autant que ceux d'Howlin Wolf, et je mets Hoodoo Man Blues sur le même piédéstal qu'un Hybrid Moments. Mais y'avait toujours un truc qui m'avait manqué dans le blues, que je retrouvais vaguement chez des gens comme Howlin' Wolf ou les relents les plus sauvages de John Lee Hooker et Junior Kimbrough. Il me manquait une certaine énergie punk, un truc qui pue la bière éventée et la colle plus que le whisky et la soul food, et j'avais toujours été frustré que la crasse dans laquelle le blues est né se manifeste si peu musicalement même après son passage à l'électrique ; d'autant plus quand il s'agit de mon instrument de prédilection qui est capable de merveilles une fois amplifié comme l'ont démontré les Charlie Musselwhite et autre Little Walter.


Et c'est là que je tombe sur Daddy Long Legs.


Trio New Yorkais issu du punk, Daddy Long Legs fait EXACTEMENT ce que je voulais entendre. On mélange harmonica blues amplifé jusqu'à saturation, de la guitare blues allant du riff twangy à la grosse slide saturée, et une batterie ultra minimaliste à base de gros boum et d'une maracas (mais quel coup de génie je vais jamais m'en remettre). On est sur une grosse influence assumée de Howlin' Wolf et une grosse part de Sonny Terry, mais enrobé dans un emballage garage punk survitaminé et poisseux, sauvage et rock'n'roll mais qui parvient à transmettre un son blues des plus authentiques. C'est comme si Hasil Adkins avait appris à jouer et s'était vu mettre dans le studio de Chess Records.


Daddy Long Legs, c'est surtout son leader Brian Hurd. Un virtuose absolu de l'harmonica blues, et probablement celui qui réussit le mieux à garder l'authentique style electrifié des sixties lancé par Little Walter, Charlie Musselwhite et Walter Horton, avec une grosse dose de Sonny Terry dans ses gros riffs rythmiques. Loin des virtuoses modernes à la Jason Ricci et Indira Sfair, Hurd à l'harmo, c'est poisseux, brûlant, excité, que ce soit en électrique ou en acoustique. Hurd est un frontman démentiel avec une voix de démon, et a la bonne idée de passer majoritairement sa voix par son micro d'harmonica, donnant l'impresssion qu'il est constamment en train de hurler dans un mégaphone, rajoutant encore un peu à la sauvagerie de l'ensemble.


Ceci dit, bien au delà de ses gimmicks, Daddy Long Legs c'est surtout un sens de la composition aigu. De leur propre aveu, leur album précédent n'est pas assez mûr et je suis d'accord, on sent qu'ils se cherchent et se reposent sur leur gimmick punk-blues-harmonica... Mais sur Blood from a stone, ils se sont complètement trouvés.

Du blues des origines, ils ont le son, les codes esthétique, la virtuosité instrumental, le sens mélodique, mais du punk, ils ont l'énergie mais surtout l'envie de dynamiter les choses. Daddy Long Legs réussit à sonner blues, sans jamais tomber dans les facilités de compo que sont les répétitions du format twelve-bar ou des pentatoniques constantes ; ils manient le brulôt punk rapide (Long John's Jump, Flesh Eating Cocaine Blues), la balade mélancolique, (Blood From A Stone, Catch You On Down The Trail qui redevient tout acoustique dans le plus pure style Sonny Terry / Lightnin' Hopkins), les bombes rock'n'roll taillées pour l'interaction avec le public (Heart to Heart, Motorcycle Madness, New York City et ses relents de Little Richard sous 8.6)... Tout ça sans jamais tomber dans les poncifs d'écriture propres à leurs influences, et ça, quand on sonne aussi tradi, c'est un sacré tour de force.


En bref, Daddy Long Legs c'est le groupe parfait pour commencer le blues si vous connaissez pas le blues et que vous venez de la musique qui fait du bruit. L'équilibre est parfait et la qualité est là, et très très fort. Et c'est encore mieux à voir en live.

Et personnellement, ils m'ont enfin donné ce que je voulais entendre en plus de 20 ans d'obssession pour le blues : la crasse et l'énergie qu'il m'y manquait. A ranger entre votre pile de John Lee Hooker et votre collec de psychobilly, mais pas loin de Canned Heat.

MonsieurHache
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le 20 août 2024

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