Oui, en 2000, Joni Mitchell s’offrait tout un album avec un orchestre de cordes. OK, pour les artistes qui se lancent là-dedans (et ils ont été nombreux !), c’est souvent une profusion de violons souvent difficiles à digérer. Même l’immense Nat King Cole s’y est collé at ça n’est pas dans ce registre que je le préfère. Là, on parle de Joni Mitchell. Autant alors aller à fond dans le projet qui est d’enregistrer un album concept autour de l’amour, de la rencontre (1er titre) jusqu’à la séparation. Un répertoire comprenant des reprises de jazz ainsi que 2 de ses compositions, "A Case of You" et "Both Sides Now". L’orchestre, lui, comprend pas moins de 90 musiciens, alternant entre une formation classique et une formation proche des big band de jazz. La direction ainsi que les arrangements sont donnés à Vince Mendoza (qui a travaillé avec Elvis Costello, Al di Meola, Yellowjackets…) pour un résultat extrêmement fin et subtil. Ah oui, parlons des invités justement qui se nomment, en passant, Herbie Hancock, Wayne Shorter ou encore Peter Erskine !
Voilà le (somptueux) décor planté, bien sûr, certains grincheux préféreront toujours Joni dans un registre folk ou même rock (les années 80) mais elle se réinvente là en chanteuse de jazz, allez, presque une « crooneuse » à la voix enfumée, sous forte influence vocale de Billie Holiday, sa voix grave y faisant penser plus d’une fois, par exemple dans « You’re my thrill ». Une chanteuse des amours déçues qui sait parfaitement qu’elle n’a pas le registre vocal d’une Ella Fitzgerald ou d’une Sarah Vaughan mais qui vise l’émotion juste. Alors, OK, cette suite de ballades mélancoliques, (« déprimantes » diront les grincheux…) peut sembler au bout de l’album un peu longue et il aurait été bien qu’elle alterne avec plus de morceaux rythmés comme "Don’t Worry ‘bout Me" et "I Wish I Were In Love Again". Mais le résultat est tout de même magnifique, l’orchestre enrobe les chansons et sa voix. Sur « Answer me, my love » sa version est supérieure à celle de Nat King Cole (et j’en suis un grand fan attention !) où les cordes donnaient un côté très (trop) sirupeux au morceau. C’est un vrai risque quand on utilise ce genre d’orchestration, évité ici grâce au talent de Mendoza. Il paraît qu’à la fin du dernier morceau « Both Sides Now », l’émotion était telle dans le studio que plusieurs musiciens avaient les larmes aux yeux, conscients d’avoir participé à un enregistrement très rare. Dernière précision, 2 Grammy Awards récoltés au passage par l’album en 2001. Lors de la tournée que Joni entama à la sortie du disque, elle joua l'album dans l'ordre de la tracklist. Elle entamait ses concerts par une reprise de "Nuage", issue des Nocturnes de Debbusy, qui lui permettait d'instaurer l'ambiance romantique de l'album. Et, avec un clin d'oeil, elle rappelait ainsi discrètement que « Both Sides Now » se trouvait à l'origine sur son second album « Clouds ». Une immense artiste.