Bummed
6.6
Bummed

Album de Happy Mondays (1988)

Bummed en Français, ça veut dire dégoûté, blasé, déprimé… Ce qui est tout le contraire de ce disque.


Les Happy Mondays sont la preuve qu’il n’existe pas seulement un bon Dieu pour les ivrognes, mais également pour les drogués. La chance aura plané sur eux pendant plusieurs années et dès leurs débuts. Ils furent signés par Tony Wilson lors d’un concours à l’Haçienda où ils terminèrent à la dernière place. Ils ont été produits par l’ex-Velvet Underground John Cale à l’occasion de leur premier album (ne comptez pas sur moi pour réécrire son titre en entier) et à l’occasion de leur second effort, ils sont cette fois-ci épaulés par Martin Hannett. Le monsieur responsable du son de Joy Division, pour ne citer que son travail le plus connu, ce qui n’est pas rien.


Forcément, entre ces joyeux drilles adeptes de cocktails chimiques en tout genre et le producteur fantasque et méticuleux, un gouffre les sépare dans leurs mentalités respectives. Ce qui laisse supposer que l’enregistrement fut loin d’être facile et ce fut le cas. Comment peut-on imaginer Hannett travailler avec une telle bande de tire-au-flanc ? Eux, qui sont les premiers à quitter le studio pour chercher réconfort auprès des bras d’une fille ou/et de pilules multicolores, c’est déjà un miracle qu’ils aient réussi à sortir des bandes de ces sessions !


Le contact avec ce producteur au caractère particulier et aux idées singulières (regardez donc le film 24 Hour Party People et vous comprendrez) a eu, inévitablement, un sacré impact sur le son des Joyeux Lundis. Si la production de John Cale avait un rendu quasi-acoustique, quitte à laisser de côté l’aspect psychédélique du groupe, celle d’Hannett embrasse complétement cette facette… Au point d’être très confuse. Le son est surchargé, baveux et il n’a pas lésiné avec la reverb’ (notamment sur la batterie comme sur « Moving in With »). Il fallait s’y attendre avec ce bonhomme qui avait des idées très atypiques sur le travail de producteur. Ce pionnier dans l’utilisation de sonorités déformées par l’électronique sur les disques de rock. Si ce son ne rend pas l’écoute de Bummed facile pour les néophytes, il est finalement bien en adéquation avec la démarche de ces Anglais torchés.


Si la bien nommée « Country Song » lance de manière sympathique cette sortie, c’est dès « Moving in With » qu’on remarque l’apport essentiel de cet homme sur le son des Happy Mondays. Une batterie défoncée au funk, un rock hybride car habillé de quelques sonorités électroniques et le chant, évidemment toujours aussi braillard, de Shaun Ryder. Ce dernier chante encore comme un marin bourré le soir de sa première permission, mais il s’est amélioré ! Alors qu’il avait tendance à nous casser légèrement les oreilles auparavant, on le trouverait presque agréable ici et même très attachant ce couillon.


Question songwriting, ce n’est pas encore tout à fait ça. Cependant, des efforts ont été faits. Les refrains sont toujours plus scandés et parlés que chantés, mais quand vous n’oubliez pas ce "you busy, you busy, you busy" sur « Fat Lady Wrestlers » et autres "double double good" (« Do It Better ») dès votre première écoute, cela signifie qu’on a affaire à de bonnes chansons. Musicalement, on reste dans le haut du panier pour peu que vous soyez charmé par un rock imprévisible gavé au funk et surtout nourri de manière plus affirmée au psychédélisme (le sitar sur « Lazyitis » ne laisse plus planer le moindre doute).


Probablement moins homogène que leur méfait originel et également plus abouti (un terme à manier avec précaution quand on parle des Happy Mondays), Bummed se permet de lâcher deux chefs-d’œuvre inoubliables par la même occasion : « Brain Dead » à la basse aussi gigantesque que sublime et « Wrote for Luck » aux lignes de guitares épiques. Un titre qui connaîtra une seconde vie entre les mains de Paul Oakenfold qui en fera un remix particulièrement mémorable tout en faisant la jonction entre l’acid house, très populaire à ce moment-là, et le rock groovy des Anglais.


Un lien loin d’être anodin dans leur irrésistible ascension.


Chronique consultable sur Forces Parallèles.

Seijitsu
8
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le 30 oct. 2015

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