2016 pourrait facilement se voir décerner le prix de l’année du punk-pop revival : après Simple Plan au printemps, et en attendant Sum 41 cet automne, Blink 182 revient en ce début d’été avec un nouvel album à la gestation difficile. Le départ du membre fondateur Tom DeLonge a en effet laissé des marques profondes et s’entend à l’écoute de California. Le divorce du célèbre duo DeLonge-Hoppus est bien consommé, et même s’il n’égalait pas McCartney-Lennon par son talent, il le surpassait par sa folie et sa connerie. Avec cette rupture artistique s’envole l'espoir de voir de nouvelles héritières aux intemporelles All The Small Things et autres First Date.
Pourtant, la fin n’avait jamais été aussi proche avec le précédent album, The Neigborhood. Créature hybride se cherchant constamment entre le son originel punk de Blink 182, véritable fer de lance du trio américain, et des sonorités plus électroniques empruntées aux errances de ses membres (avec Angels & Airwaves et +44), l’inspiration manquait cruellement. Les tensions internes laissaient présager la fin d’une ère.
Avec California et l’arrivée officielle du nouveau chanteur-guitariste Matt Skiba (débarqué d’Alkaline Trio), les craintes sont malheureusement confirmées. Le doute était pourtant permis : Blink 182 arriverait-il à pérenniser l’étendard punk-pop tout en s’ancrant dans un son plus actuel ? On pouvait l’espérer avec cette dose de sang frais injecté au groupe. Le résultat est toutefois dans l’ensemble décevant.
Si Cynical ne commet pas l’impair d’un faux-départ et illustre immédiatement le talent du batteur Travis Barker, la chanson est en réalité une déception tant elle manque de créativité intéressante. La suite ne fait que concrétiser cette première impression. Bored To Death et son intro à la Feeling This démontre l’évolution musicale de Blink 182, qui se complaît désormais dans des mélodies mélancoliques, plus sombres que d’habitude. Le refrain de She’s Out Her Mind ressemble à The Rock Show, en moins déjanté… Los Angeles a le mérite de proposer quelque chose de nouveau, avec des sonorités urbaines mélangées à un son rock (probablement influencé par les featuring annexes de Barker avec de grands rappeurs contemporains).
La première illumination vient avec Built This Pool… qui dure 16 secondes. 16 secondes où l’on peut entrevoir toute la bêtise si caractéristique de Blink, et qu’on aime tant (« I wanna see some naked dudes, that’s why I built this pool » fait écho à « I’m gay, so what, don’t judge my butt »). Pourtant, California nous fait ouvrir les yeux sur un constat cruel : peut-on, à 40 ans passés, continuer à chanter des conneries ? Hoppus semble avoir pris en compte cet aspect, et a souhaité fait évoluer le son de Blink vers quelque chose de plus mature.
No Future fait partie des chansons à ne pas jeter, même si son côté commercial l’empêchera sûrement de briller au futur panthéon du groupe. Les chansons suivantes se contentent de réitérer les défauts qu’on peut reprocher à toutes les chansons de l’album : un manque patent de construction sonore, l’absence des mélodies à la guitare, si efficaces pour permettre aux chansons de se démarquer du lot. Le son est plus lourd (Kings Of The Weekend), l’accent est mis sur les harmonies vocales durant les refrains mais le tout manque de relief. Surtout, la voix si singulière de Tom DeLonge offrait un contraste intéressant, là où la voix de Matt Skiba est quasi-identique à celle de Mark Hoppus (il suffit d’écouter Bored To Death pour s’en convaincre).
La chanson éponyme de l’album n’est tout simplement pas bonne : trop lisse, trop commune. Et là, Brohemian Raphsody. Prenant le contrepied du chef d’œuvre de Queen qui s’étirait sur 6 délicieuses minutes, Blink 182 nous fait savourer une chanson de seulement une demi-minute. 30 secondes qu’on aurait voulu plus longues, tant l’album aurait dû suivre cette voie : un son brut de décoffrage, pur produit punk-pop.
Au final, le reproche qu’on peut principalement adresser à cet album est son manque de fantaisie. La transition est mal gérée par Blink 182, mais ce n’est pas réellement sa faute. Il est difficile de faire un album qui peut plaire aux fans de la première heure tout en se conformant aux codes de la musique actuelle. L’identité musicale du trio californien n’a pas su résister face aux sirènes du mainstream, mais peut-on vraiment les blâmer pour ça ?
Tous les groupes issus des années 1990 ont dû évoluer pour ne pas sombrer. Certains y sont mieux arrivés que d’autres (Green Day par exemple avec American Idiot en 2004, même si leurs derniers albums sont navrants, ou Sum 41 avec Screaming Bloody Murder). D’autres ont du mal à prendre le train en marche (The Offpsring, Simple Plan). California n’est alors que l’illustration de la décadence des groupes de notre adolescence (la mienne en tout cas). La désillusion n’est pas grande tant cela était prévisible, mais cela reste dommage.
Certains me traiteront de vieux-con (du haut de mes 22 ans) qui ne cesse de répéter « c’était mieux avant ». Peut-être, mais ça me fait mal de voir de tels groupes péricliter.
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