On les a crus morts et enterrés avec le talentueux Vitek (RIP). Loin de là, ces enfants terribles du death polonais ont bien grandi et, loin de se laisser décapiter par le deuil de leur batteur, ils reviennent plus forts que jamais. La nouvelle équipe sur pied compte en ses rangs Rafal Piotrowski, l’autrichien Kerim "Krimh" Lechner derrière les fûts et Filip "Heinrich" Hałucha de Vesania à la basse. Verdict ?

La patte de Vogg ressort immédiatement dès les premières mesures de “The Knife”. Le guitariste est toujours aussi inventif ("Pest" et "404", de futures hymnes live à n’en pas douter), il fait pleuvoir ses riffs hachés comme personne d’autre ne sait les faire, suivi comme son ombre par ses nouveaux compagnons de route (pour rappel, c’est le seul membre fondateur encore rescapé de la formation). Mais bien sûr, qui dit nouveau line-up dit aussi évolution musicale perceptible. La plus notable ce situe au niveau du chant. La voix de Covan qui tenait le micro en 2006 était déjà assez surprenante pour du death, mais celle de Rafal Piotrowski risque d’en dérouter beaucoup plus. Un peu aigu écorché, sans pour autant tourner au hardcore, il évoque assez vaguement Ihsahn d’Emperor.

Heinrich de son côté est assez peu audible, hormis sur certains passages très précis comme les couplets de "Pest" ou les dernières minutes quasi atmosphériques de "Homo Sum". Seulement là encore, la batterie et le solo dissonant de Vogg lui volent la vedette. C'est sans doute l'un des éléments les plus regrettables de l’album. Krimh quant à lui fait honneur à sa réputation (jetez un œil sur YouTube pour un aperçu de son jeu). A la fois hyper agressif, jumpy, subtil quand il le faut, nul doute qu’il succède dignement au siège laissé par Vitek. Globalement, Decapitated n’a rien perdu de sa brutalité, mais le virage groovy entamé sur The Negation et Organic Hallucinosis se poursuit.

Attaquons maintenant les vraies petites surprises de cet album. Les arpèges inquiétants sur le morceau-titre font penser à l’épique "Initiate" de Psycroptic. "Carnival Is Forever" déçoit malheureusement un peu, car le début est très prometteur, mais on débouche finalement sur un mid-tempo beaucoup trop long et plutôt répétitif. Il en est tout autrement avec "A View from a Hole", l’incontestable réussite de ce cinquième disque. On pense pas mal à Gojira pour l’approche « montée en puissance » et ces impitoyables roulements de double pédale. Avec "Silence", l’auditeur s’attendra à une redite du morceau précédent … et non ! C’est un titre purement instrumental au feeling assez mélancolique pour faire penser à Katatonia ou encore Opeth !

Et… c’est fini. Il est connu que Decapitated n’a guère pour usage de surcharger son auditoire, qu’ils en soient remerciés, mais on était en droit d’en attendre un tout petit peu plus. Une vraie conclusion à la hauteur de 8 titres précédents aurait fait grimper cet album au sommet... Autre article au rayon déceptions : une légère baisse de créativité dans les soli que l’on a connus meilleurs. À ce niveau là Vogg a visiblement appliqué la méthode Vader, ceux là même chez qui il a officié sur le décevant Necropolis : c’est un petit peu toujours les mêmes sons hormis les cas exceptionnels de "Homo Sum" et "404". Si l’ensemble de l’album est satisfaisant, tout laisse finalement une impression de « ça aurait pu être mieux », même les tueries comme "A View from a Hole".

Un retour gagnant, pas de doute, mais peut-être pas aussi bon que ce qu’on aurait souhaité. Tout le monde dans ce groupe a du talent. Et ils ne parviennent pas en tirer le maximum … en tout cas pas du premier coup. On va mettre ça sur le compte de la longue pause et du besoin d’apprendre à écrire ensemble. Ces gars doivent faire quelques tournées pour cerner pleinement leur potentiel créatif commun et en tirer le meilleur, à très vite donc !
JoroAndrianasol
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le 22 oct. 2014

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