Weezer goes baroque
Tout le monde le sait aujourd'hui, le drame de Weezer est celui du groupe ayant connu son pic qualitatif et populaire artistique très vite et très tôt dans son existence avec le Blue Album et...
le 4 févr. 2021
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Brand New est un de ces nombreux groupes issu de ce qu'il est convenu d'appeler troisième vague emo, apparue au début des années 2000 sur la côte est des Etats-Unis et qui serait l'évolution de la première vague commençant fin des années 80 par le tournant plus sentimental de certains groupes de punk hardcore puis de la deuxième vague caractérisée par le midwest emo et le post hardcore des années 90.
L'emo s'est développé originellement de manière locale avec des scènes présentant chacune des spécificités et des teintures différentes.
Pour Brand New c'était Long Island, une région connue pour la qualité de sa scène hardcore punk qui donnera naissance aux (peu nombreux) bons groupes de la troisième vague emo (Glassjaw, The Movielife entre autres).
Mais alors, comment décrire la troisième vague emo ? Disons que ce sont les enfants un peu gênants des Smiths et de Jawbreaker, petits frères des Sunny Day Real Estate et des Get Up Kids qui auraient fréquenté un peu trop leurs amis Nu metal Korn, Linkin Park et Limp Bizkit pendant la cour de récré.
Mais pour comprendre le succès de cette troisième vague, il est essentiel de comprendre le contexte de l'époque et en quoi cela répondait parfaitement à un besoin de l'époque, une réponse à des maux d'une jeunesse en quête de repères et d'un son qui la caractériserait.
Revenons donc à la fin des années 90-début des années 2000, c'est le succès en grande pompe du pop-punk festif, parfaitement représenté par Blink 182 et American Pie, où l'on courre à poil en criant "What's my Age Again" et où l'on veut faire la fête et se dépuceler avant la fin du lycée.
Seulement voilà le 11 septembre passe par là et marque de nombreux jeunes qui, surtout sur la côte est, ont pu parfois être les témoins directs de l'effondrement des tours (Gerard Way de My Chemical Romance déclarera qu'il a crée son groupe après avoir vu en direct les tours s'effondrer depuis un train).
Les temps n'étaient plus à l'amusement et à l'irresponsabilité mais à l'expression d'un mal-être qui résonnaient parfaitement avec le genre emo, en cohérence avec ses origines remontant dans l'expression du mal-être et du sentiment d'abandon des jeunes des banlieues blanches de la classe moyenne américaine, à la fois si proche et si loin des grandes villes.
L'urgence et la passion du genre emo, caractéristique du côté punk du genre, allaient ainsi rencontrer la foule et le succès populaire, presque irrationnelle car né de circonstances exceptionnelles. L'emo allait ainsi sortir de son garage pour arriver sur MTV et les grandes scènes du continent américain.
La troisième vague emo marque donc l'aboutissement commercial d'un genre toujours resté volontairement confidentiel tant il était nécessaire que ce genre fut caractérisé par son aspect éphémère et anti-star. My Chemical Romance ou Taking back Sunday deviennent des stars nationales faisant les plateaux TV de Jimmy Kimmel.
Le succès de la troisième vague dans les années 2000 sera aussi sa fin, créant les premières déviances d'un genre qui n'aura petit à petit plus grand chose de musical et finira par s'autodétruire dans le grotesque durant la deuxième moitié de la décennie (on voit d'ailleurs aujourd'hui que le genre n'existe presque plus mais que de nombreux groupes du début des années 2000 enchaînent les tournées à succès en jouant sur la nostalgie de leur fanbase).
Brand New aurait pu rester un groupe banal de cette mouvance s'ils en étaient restés au son de leur premier album, intéressant mais maladroit, "Your Favorite Weapon" (2001). On se serait souvenu avec nostalgie de leur rivalité plus ou moins fantasmée et romancée avec Taking Back Sunday et quelques chansons nous rappelant nos années adolescentes où l'on s'enervait sur pas grand chose pour pas grand chose.
Mais voilà Brand New est un peu plus que cela grâce notamment à son leader Jesse Lacey, un homme controversé respirant assez peu la sympathie et la joie de vivre, mais disposant d'une plume et d'un sens de la mélodie à des années lumières de ses contemporains du même genre.
Et c'est "Déjà Entendu" qui nous en donnera les premières preuves.
Au premier abord, cet album semble reprendre en tout point les clichés et les signes distinctifs de cette troisième vague emo : on notera par exemple la couverture kitsch avec un astronaute perdu dans ce qui ressemble à un paysage apocalyptique ou les titres à rallonge Morriseysque sans aucun lien avec le contenu des chansons.
Mais le début de l'album surprend. La chanson introductive "Tautou" annonce le son différent de l'album marqué par une audace artistique que l'on n'imaginait pas chez ce groupe et nous amenant à la première claque de l'album "Sic Transit Gloria Fades" avec sa ligne de basse rebondissant tout au long de la chanson qui nous entraîne dans la tête d'un jeune garçon connaissant sa première aventure sexuelle. Le thème est surprenant, le choix des mots également. C'est beau et juste, et dans cette atmosphère si particulière et singulière qui font les grands albums.
Les chansons s'enchaînent et continuent de surprendre par leur inventivité et la qualité de l'écriture : "I Will Play My Game Beneath The Spin Light" raconte les états d'âme d'un artiste en tournée, "Okay I believe you but My Tommy Gun Won't" pourrait parfaitement être l'hymne de la troisième vague emo en s'essayant à une description du genre avec, et c'est assez rare pour le souligner, auto-dérision et une construction musicale à nouveau étonnante.
"The Quiet things that no one ever knows" plaira aux amoureux du genre qui veulent leur dose de sentimentalisme. La chanson est moins originale mais fait parfaitement office de single de l'album dans une période où l'emo est bankable.
"The boy who blocked his own shot" est une ballade emo intéressante, là aussi moins original, mais ça fonctionne.
Puis l'on est à nouveau surpris par l'enchaînement de chansons "Jaws Theme Swimming" et "Me vs. Maradona vs. Elvis", deux chansons à la construction musicale improbable nous font passer d'un état mélancolique à l'explosion annonçant ainsi le tournant presque progressif du groupe du prochain album.
Pour finir par la chanson la plus longue de l'album "Good To Know That if I Ever Need Attention All I Need is to Die", qui semble ne jamais terminer, nous entraîne à nouveau dans cette atmosphère surprenante et destructrice de l'album.
"Guernica" et "Play crack the sky" sont moins intéressantes et semblent de trop dans cet album qui auraient dû finir par "Good to Know...", comme pour nous rappeler que cet album est un vrai album emo, imparfait et passionné. Brand New passera par la suite dans une catégorie à part au sein de cette troisième vague emo, de laquelle il sortira définitivement dans son album suivant.
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Créée
le 9 août 2023
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