Kenny Anderson est un garçon très occupé. Sous le pseudonyme de King Creosote, il a publié depuis 2003 une quinzaine d'albums solos officiels (sans compter les EPs). Cette année, c'est dans le but d'accompagner le film documentaire du même nom qu'il compose les onze pistes de From Scotland With Love. Au vu de la cadence studio d'Anderson, il est étonnant de réaliser à l'écoute de ce petit dernier à quel point il est apaisé, et apaisant. Comme quoi une production effrénée n'empêche pas nécessairement de prendre son temps pour se ménager un espace particulier.
King Creosote est écossais, et ça s'entend dès les premières notes, les premières intonations. Nous sommes en terrain connu ; Anderson le réclame d'ailleurs haut et fort : From Scotland with Love est un album nostalgique sur le temps de nos aïeuls. Mais un album qui, précise-t-il, tâche de réactualiser leur vie de l'époque en regard de la nôtre. Pour ce qui est du premier objectif du disque, on peut dire sans risque "Mission accomplie". Chacune des chansons d'Anderson est empreinte de nostalgie, chacune mériterait son clip sépia en sus. Le chanteur joue fortement avec la corde sensible, l'auditeur est régulièrement invité à verser un larmichette - sans trop savoir pourquoi, mais là n'est pas la question. On serait mal avisés d'aller, les yeux rougis froncés en une mimique désapprobatrice, reprocher à Kenny Anderson d'aller si facilement jouer avec nos émotions. Après tout, il s'agit là de nos grands-parents, arrière grand-parents, de la réminiscence de ceux dont les voix se sont tues, ceux qui nous ont laissé comme seule trace de leur présence sur cette Terre quelques rares souvenirs, une ancienne babiole par-ci par-là, une anecdote émue rapportée par les proches, une vieille photo déchirée... Porter la mémoire des défunts, de ceux qui furent proches de nous, physiquement ou par le sang, voilà une sacré mission, dure mais belle, qui ne saurait faire l'économie de quelques larmes sincères.
Alors ne crachons pas, voulez-vous, sur ces violons larmoyants, sur ce piano chancelant ou ces refrains chorales, sur ces promesses d'éternité, sur ce qui ne sera bientôt plus qu'un heureux souvenir à encadrer quelque part, et qui traversera - avec un peu de chance - les générations. Ne crachons pas sur un disque simple qui nous rappelle à quel point le parler écossais est magnifique dès lors qu'il est chanté...