On pourrait être tenté, à l'approche de la musique de Murmuüre, de ne parler que de Black Metal. On pourrait amener, à la simple écoute des guitares poisseuses et saturées ou bien des - rares - vocaux criés, toute la panoplie du petit chroniqueur sombrophile ; passer en revue l'index du Dico de la santé mentale au paragraphe "dépression", se palucher sur le mal-être supposé de l'artiste et lui fantasmer un passé douloureux, enfiler sa plus belle cape noire et proférer des aphorismes à la "Toi qui entre en ce disque, abandonne tout espoir", compter sur ses doigts les synonymes des mots "froid", "mort", "bobo coeur", etc. On pourrait, oui... Certains l'ont fait et je ne leur en tiendrai pas rigueur, au même titre que je ne blâme pas l'éjaculateur précoce. Il serait de fait dommage de s'arrêter à une première écoute certes impressionnante, mais trompeuse car forcément superficielle. Car la musique de "Félix", le français qui se cache derrière cet étrange alias, est tout sauf superficielle.
Murmuüre (l'entité) est né d'une volonté de créer quelque chose de neuf. Félix, revenu du hardcore-punk et de l'électro-glitch, a tâté plus souvent qu'à son tour des musiques extrêmes. Comme indiqué sur son site dans un texte expliquant la raison d'être de l'album*, l'ensemble est basé sur une heure d'improvisation de guitare. Le son y est clairement "Black Metal", mais le montage qui en résulte incorpore en son sein une multitude d'éléments électroniques ou samples très divers, qui contribuent - plus qu'à ajouter simplement telle ou telle couleur sonore - à former un ensemble inclassable et cohérent (et hautement immersif). Rares sont les disques contemporains qui perturbent nos repères au point d'amener à le décrire faute de mieux comme "musique nouvelle" ; Murmuüre (le disque) est de ceux-là. On a tenté de lui apposer l'étiquette maladroite et réductrice de "Ambient Black Metal", mais si le disque dégage une ambiance assez unique, le terme peine à décrire proprement l'ampleur de ce qui se déploie au sein de cette ambiance. Ma connaissance du Black reste très réduite, mais les 26 minutes de Murmuüre - si je devais trouver un lointain équivalent - m'évoquent le récent Cosmosophy de Blut Aus Nord dans la richesse sonore et dans cet éclectisme miraculeusement digéré.
Murmuüre (l'entité et le disque) semble sorti du néant. Une simple percée de 26 minutes dans notre monde aura suffit pour amener à nos oreilles profanes une musique inconnue jusqu'alors. Mais alors qu'on croyait Murmuüre enterré pour de bon (cf le texte en bas de page), une interview de 2012 a révélé que Félix s'était remis au travail et planchait désormais sur un projet plus ambitieux - gasp - pour un disque frisant l'heure et dont Murmuüre n'aurait été qu'un apéritif. Il y a de quoi trépigner sur place en attendant l'apothéose ! Félix précise aussi que le projet sera sûrement publié sous un autre nom. Qu'importe, mec... Fais nous confiance, on le reconnaîtra.
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Le texte provenant de son site, avant que celui-ci ne disparaisse :
« Toute la bande son de Murmuüre est basée sur un enregistrement d’une heure d’improvisation à la guitare datant de Novembre 2006.
Des séquences ont été sélectionnées et éditées pour avoir une structure rythmique, puis couplées à d’autres calques sonores. Ce processus de mixage et de réécriture sans fin pris 3 ans avant son aboutissement.
Les percussions sont un mélange de batterie programmée lors de l’enregistrement original, et quelques percussions live extrêmement ré-éditées.
La voix a été capturée avec un enregistreur mini-disc lors d’une transe cathartique dans un endroit sacré au milieu de la forêt. Étant presque inaudible, elle est purement symbolique et sa seule vocation est de véhiculer cette intention.
Cet enregistrement de 30 minutes pourrait être le premier et dernier album de Murmuüre.
J’y ai mis tellement de moi qu’il serait difficile de l’égaler. »