« When you’re full of fire, what’s the object of your desire ? »
L’indifférenciation des genres n’est pas un thème nouveau chez The Knife, du sublime clip de Pass This On au traitement de la voix de Karin Dreijer Andersson, tantôt féminine tantôt masculine, leur univers est fondé sur ce flou sexuel. On peut même aller plus loin en rappelant leur opéra électronique, Tomorrow, In A Year, dédié à la vie et à l’œuvre de Charles Darwin. Obsédés par l’évolution naturelle, sociale, technologique et musicale, The Knife n’ont jamais été aussi directs que dans les paroles et le clip du premier extrait de leur nouvel album. Durant les sept années qui séparent Silent Shout, chef-d’œuvre absolu et peut-être disque le plus important de ce début de siècle, de Shaking The Habitual, il y aura donc eu cette collaboration consacrée à Darwin, ainsi que le projet solo de Karin, le presque aussi essentiel Fever Ray. Mais le retour en bonne et due forme de The Knife en avril prochain, au fil d’un double album de près de deux heures, est un événement qui dépasse le cadre de la musique. De sa pochette à son titre en passant par les notes d’intention, Shaking The Habitual intègre une dimension politique et revendicatrice nettement plus évidente que par le passé. En adoptant une esthétique punk, en proposant comme premier single le morceau le plus musicalement agressif de leur carrière, le duo ne laisse aucune ambigüité. Ca va faire mal.
Secouer les habitudes. A tous les niveaux. D’où ce clip mis en scène par une esthète du queer, où les hommes et les femmes s’habillent de la même manière, où les corps portent leur androgynie comme un étendard. Dans une société parfaitement réglée, le petit déclic qui bouleverse n’est jamais loin. Tout peut basculer grâce à un détail, une personne, une parole. Et derrière résonnent les slogans de Full of Fire :
« Sometimes I get problems that are hard to solve
What’s your story?
That’s my opinion
Questions and the answers can take very long
Here’s a story
What’s your opinion? »
Politiquement, la chanson semble s’adresser aux partis libéraux Suédois.
« Liberals giving me a nerve itch »
Mais le thème principal revient vers les bouleversements des cadres sexuels
« Not a vagina,
it's an option
The cock
had it coming »
« Let’s talk about gender, baby,
let’s talk about you and me »
Et un cri du cœur à reprendre en chœur :
« When you’re full of fire,
what’s the object of your desire? »
Le monde de The Knife est peuplé de masques, de monstres, de corps mouvants et indistinct. Le désir glacé ou brûlant fait tourner cette planète en un grand maelstrom des êtres, échappant à toutes les règles et à toutes les conventions. Plus proche du fantastique sur Silent Shout, leur univers revient percuter notre réalité avec toute sa puissance évocatrice. La musique est à l’image des revendications, avec une house brutale et acide, qui cogne et crisse dans les enceintes, les basses sont profondes, les mélodies stridentes, les paroles scandées. Pourtant, grâce à la voix de Karin et aux arrangements nettement plus subtils qu’il n’y paraît, Full of Fire se fait accessible, obsédant, hypnotisant, puis indispensable. Une manière d’annoncer un album coup de tonnerre qui en laissera plus d’un K.O. debout. Une révolution est en marche.
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