Hell on Stage est le deuxième album live de Manowar. Proche de Hell on Wheels, son prédécesseur tant dans le titre que dans le contenu, il détient tout de même une différence notable : la présence de Bridge of Death et Dark Avenger : mes deux chansons préférées. D’ailleurs, on remarquera que les morceaux sont classés chronologiquement, selon la date de sortie des albums. Pour ceux qui aiment l’ordre, comme moi, c’est toujours sympa, même si ça n’apporte rien esthétiquement et artistiquement.

Quand des chansons qui vous transportent au Septième Ciel sont entendues en concert, c’est au-delà du grisant. Écouter un morceau dans sa version studio, c’est entendre la pluie tomber sur un toit, percevoir les gouttes qui manifestent leur existence en s’écrasant contre la couverture. Les écouter en version concert, c’est se trouver sous l’averse. On ne fait plus qu’entendre la pluie, on la sent, elle mouille notre chair, fait dégouliner nos cheveux, rafraîchit nos muscles, elle agit bien plus que lorsqu’on l’entend seulement mourir sur un assemblage de tuiles. C’est une perception plus poussée, une immersion plus réelle.

D’emblée, le riff de Metal Daze annonce la couleur : le groupe est en pleine forme ! Comme Ian Gillan pour le Made in Japan de Deep Purple, Adams prend un air innocent pour parler dans le micro, avant de délivrer une prestation scénique grandiose. Le morceau déborde d’énergie, le riff entêtant de Metal Daze est rendu davantage communicatif et jubilatoire que sur la version studio.

« Dark…Avenger ! » Le timbre sombre et menaçant du chanteur annonce encore une fois la couleur. Rien qu’en prononçant le titre de la chanson, il nous entraîne, nous les auditeurs qui savent à quel point nos esgourdes vont se délecter à l’écoute d’un tel chef d’œuvre vers les rares sentiers que notre âme s’oblige à dissimuler pour nous préserver de la mort par l’extase perpétuelle. Le morceau prend une autre dimension, joué en concert. Ni meilleur, ni moins bon, simplement nuancé, rendu différent par les aléas du direct. La prestation scénique a pour avantage de nous permettre de découvrir d’autres facettes de nos chansons fétiches. Le bigot catholique est en transe lorsqu’il lit la Bible, imaginez dans quel état il est lorsque Dieu en personne lui fait la lecture du texte sacré. Voilà l’effet produit par Dark Avenger en live.

March for Revenge me grise bien plus en concert, car elle bénéficie d’une énergie réelle qui lui donne beaucoup plus de substance, beaucoup plus de pêche. Je la chante à l’unisson avec gaité de cœur, et je me surprends à prendre du plaisir à faire cela avec une chanson qui, en temps normal, ne me procure que de médiocres émotions. Il est d’ailleurs à noter que pour l’intro, lorsqu’Adams hurle « Ride up from hell ! », la synergie opère bien mieux que sur la version studio.

Hatred, très gros poisson dans ma liste de chansons préférées de Manowar, bénéficie des mêmes qualités inhérentes au live que Dark Avenger. Je ne veux pas être fastidieux et me répéter encore une fois. Ce que j’ai dit plus haut s’applique aussi ici, bien que Hatred n’égale pas Dark Avenger. Pour l’anecdote, c’est la version jouée sur Hell on Earth qui est digne de l’Apocalypse.

Je vais (encore) m’attarder sur Bridge of Death car il s’agit de mon morceau fétiche, le seul qui peut regarder Dark Avenger droit dans les yeux. L’intro est superbe. Lentement, DeMaio fait claquer les cordes de sa basse, une frénésie maîtrisée et saccadée qui sert d’amorce à une œuvre grandiose. Là encore, la prestation jouée en concert est digne de la version studio. Les musiciens, tout en maîtrise, n’ont qu’à dévider l’écheveau de leurs talents. Seul petit bémol, le refrain. Véritable temple sacré de mon centre émotionnel et hymne inexorable de ma modeste vie, cette partie du morceau est chantée autrement par Adams qui subtilise la force tranquille de la version studio par un cri suggérant la férocité. C’est différent et ça me gêne un peu, mais c’est juste afin d’ergoter.

On retrouve ensuite le bassiste fondateur qui fait son zinbouinbouin avec son instrument et une version réussie de Guyana (Cult of the Damned). Le groupe désarçonne en « jouant » le morceau narratif The Warrior’s Prayer, qui introduit Blood of The Kings, le joyau absolu du groupe. Dommage qu’ils n’aient pas choisi ce chef d’œuvre suprême pour clore cet album d’ailleurs. Mais le passage contenant les morceaux de Kings of Metal (l’album) est une réussite totale, donc ne boudons pas notre plaisir. Le soufflé redescend avec les deux morceaux de Louder than Hell. Pour succéder au meilleur album du groupe, il aurait fallu une pièce maîtresse comme Achilles, rien d’autre. D’ailleurs Triumph of Steel est sous-représenté, pas respecté. Choisir Master of The Wind pour représenter cette merveille de noirceur qu’est Triumph of Steel est une erreur, une erreur muée par le besoin de jouer une ballade pour satisfaire la plèbe et sa soif de mièvrerie. Vive la
démocratie.

Tout de même, une deuxième prestation scénique dantesque pour notre quatuor en cuir, qui prouve son statut de gigantesque groupe en réussissant haut la main l’épreuve des albums enregistrés lors de concerts.

Ubuesque_jarapaf
8

Créée

le 11 août 2022

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