Hypha
Hypha

Album de Auburn Lull (2017)

Une annonce d’un nouvel album de Auburn Lull, ça concerne autant de gens qu’il peut avoir de fans du Dune de David Lynch. C’est-à-dire pas grand monde.
En même temps, quand on fait une musique aussi vaporeuse et discrète, il faut s’attendre à bénéficier d’une portée confidentielle. Toutefois, une portée qui laisse une trace tenace sur leurs rares auditeurs. Car leurs premiers efforts font parties de ces disques obscurs élargissant et redéfinissant les limites du rock. Pour décrire brièvement leur style, c’est comme de l’ambient mais joué avec des instruments rock (c’est-à-dire le traditionnel trio guitare, batterie, basse). Bref, on peut évoquer cette étiquette autant explicite que polémique : le post-rock.


Explicite, car le terme est bien choisi. Le matériel utilisé est rock, mais pas les intentions. Cette musique cosmique et atmosphérique se rapprochant de l’électronique sans en être techniquement.
Polémique, parce que le genre n’évolue plus depuis perpète. Une stagnation qu’Auburn Lull a déjà embrassé il y a bien longtemps. Car si ces héritiers de ce son planant (imaginez un mélange entre Slowdive, Sigur Rós et les débuts de The Verve) étaient uniques à la fin des années des 1990, ce n’est plus le cas en 2017.
Hypha est une continuité d’un précédent disque qui était déjà celle d’une œuvre antérieure. Ce qui signifie que le groupe n’a que très peu changé lors de son parcours. Les différences entre chacune de leurs sorties est une affaire de nuances extrêmement subtiles aux oreilles des initiés. La plus facilement discernable étant ce chant éthéré. Semblable tel auparavant, mais moins lointain qu’au départ de leur carrière. C’est nuancé au point que chaque léger contraste en devient ridiculement anecdotique (un léger glitch par-ci, une guitare sèche par-là). C’est le serpent qui se mord la queue.


L’évidence survient donc rapidement. Quand une musique très typée commence à lasser, c’est qu’elle n’est plus capable de satisfaire rien qu’avec la qualité de ses compositions. La recette de cette petite troupe a fonctionné durant trois disques et demi. Autant dire une éternité dans un style aussi hasardeux que l’ambient (il suffit de se replonger dans certains volumes de la fameuse série sur le genre de Brian Eno pour le constater, la limite entre musique et travail sur le son se confondant souvent).
Comme on n’est pas à un paradoxe près, c’est quand la formation se dirige à fond dans cet exercice qu’elle se montre le plus à son aise. Seul le morceau titre est remarquable puisqu’il nous remémore l’excellence de Alone I Admire grâce à ses échos et son atmosphère sous-marine. Cela, on le doit très probablement à son rythme répétitif. Car c’est bien cette composante qui rend ces sorties, flirtant avec le vide, si attachantes. Auburn Lull joue et se perd avec ses nappes au lieu de composer. Au lieu de les rythmer pour éviter qu’on s’endorme. Car si Hypha est objectivement beau, il est également d’un grand ennui.


Après, si vous êtes accro aux sons planants et que vous attachez beaucoup plus d’importance à la production plutôt qu’aux compositions, il est certain que vous trouverez ce disque aussi bon que les autres du groupe. Seulement, si vous avez horreur de la facilité et des recettes toutes faites, alors vous oublierez ce dernier opus pour écouter à la place leurs deux premiers albums ainsi que la compilation Regions Less Parallel.


Chronique consultable sur Forces Parallèles.

Seijitsu
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le 21 déc. 2017

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