Lâcheté et mensonges
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L’une des manières possibles d’approcher le nouvel album de The Lovely Eggs, pour qui ne connaîtrait pas ce très improbable duo anglais – de Lancaster -, c’est sa pochette : les aficionados du Rock Indie DIY des années 90 ne pourront manquer d’y trouver des similitudes avec celles de l’extraordinaire musicien néo-zélandais Chris Knox, mêlant mélodies pop irrésistibles et énergie franchement déjantée dans des albums « faits à la maison » qui vaporisent aisément 90% de la production Rock de la même décennie. Car c’est bien de la même approche, plus qu’indépendante, vraiment « rebelle » vis-à-vis des structures « officielles » de la musique que l’on parle ici : Holly Ross et David Blackwell, ce couple de passionnés qui se fait appeler The Lovely Eggs, travaillent à la maison ou dans une structure coopérative, et n’ont pas de manager, pas de contrat avec une maison de disque, pas d’agent : ils ne font rien en fait de ce « qu’on doit faire » quand on veut être un « musicien sérieux ». Sauf composer et interpréter des p… de chansons qui peuvent elles aussi vaporiser 90% de la production indie-Rock des années 2010-2020 !… Mais quand même demander à Dave Friedmann (Tame Impala ! The Flaming Lips !) de produire "I am Moron" !
Car "I am Moron" est tout sauf un disque de gentils amateurs, c’est un album impeccablement efficace, un foutu brûlot de punk rock ("This Decision" et "Bear Pit", brutaux et enragés) et de pop irrésistiblement accrocheuse ("Long Stem Carnations", soit le genre de mélodie que, dès la première écoute, on pense connaître depuis toujours). Et de chansons lourdes, obsessionnelles, martelant des messages politiques imparables ("You’ve Got the Balls"). Parce que ci qui anime The Lovely Eggs et lui permet de transcender sa dinguerie agitée, c’est LA COLERE : devant le désastre politique et social qu’est la Grande-Bretagne, mais devant également une situation planétaire catastrophique, Holly et David considèrent clairement que faire de la musique est une mission (parler sans relâche de l’épuisement des valeurs qui constituaient ce que l’humanité a de meilleur), et que leurs chansons sont des armes les puissances de l’Argent et le consumérisme stupidement autodestructeur (comme le réjouissant hymne très heavy pop qu’est "I Wanna", qu’on aimerait – dans un monde meilleur – entendre repris en chœur dans des stades).
Pour s’évader de ce monde de m…, Holly et David nous proposent aussi de les accompagner dans un trip bizarre : « The Mars One program », un projet visant à quitter la planète pour s’établir définitivement sur la planète rouge. Isolés pour isolés de l’horreur économique et politique, pourquoi pas Mars, en effet ?
Il n’est pas dit néanmoins, vu l’excellence de cet album, qui succède d’ailleurs à un "This is Eggland" en 2018 qui avait déjà attiré pas mal d’attention, que notre couple batailleur, intransigeant et légèrement farfelu, ne soit pas bientôt victime d’un véritable succès. On ne sait pas s’il faut leur souhaiter ça, mais des chansons comme l’enthousiasmante conclusion de "I am Moron", "New Dawn", mériteraient vraiment une plus large audience.
[Critique écrite en 2020]
Retrouvez cette critique et bien d'autres sur Benzine Mag : https://www.benzinemag.net/2020/04/06/the-lovely-eggs-i-am-moron-pas-domelette-sans-casser-des-oeufs/*
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Créée
le 4 avr. 2020
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