Super mamie

En 2014 sortait The Soul of natural things, un retour inattendu et inespéré de Linda Perhacs qui n'avait jusqu'ici sorti qu'un seul disque, Parallelograms en... 1971. Et si The Soul... troquait la folk intimiste de son premier album vers une musique plus ouverte et plus riche, ce retour s'avérait un coup de maître sur tous les plans. D'abord la voix de Linda, presque inchangée à plus de 70 ans. Un miracle. Le premier d'une longue série puisque 2014 sonnait aussi le retour en solo d'un certain David Crosby pour là aussi un album véritablement sublime. Ensuite, épaulée par Devendra Benhardt et Julia Holter, des compositions et une écriture réhaussée d'arrangements de grande classe. Seules restent des paroles qu'on pourrait juger naïves mais après tout le créneau du folk à revendications politiques et sociales est déjà largement pris ailleurs. Et Linda n'allait pas renier ses origines et sa vision pop-flower des 60's, ma foi.

I'm a Harmony poursuit là où l'album de 2014 nous avait laissé avec une dimension en plus. Cette fois la production semble se napper d'échos et de brumes sonores. L'impression d'un mix entre le folk, le psychédélisme et le New Age sans que cela ne soit jamais redondant. Et toujours cette voix et ces chansons qui touchent directement au coeur. Ici un We will live, sur The soul of all natural things c'était un Freely sublime qui faisait écho au If you were my man de Parallelograms. Une simplicité sincère qui désarme d'autant plus qu'il n'y a aucun cynisme chez Perhacs, juste une course dans un monde qui se peuple de rêves et d'illusions. Et dans un monde qui depuis quelques décennies semble s'être de plus en plus vidé des siennes, comment ne pas alors être ému par la trajectoire de Linda Perhacs que certains auraient déjà qualifié d'emblée de vaine ?

Je me souviens de ma découverte de l'artiste grâce... aux Daft Punk.
En signant l'épuré et décalé road-movie Electroma et en y mettant leurs artistes préférés en fond sonore plutôt que leur musique, les robots frenchies interloquaient directement. Cette musique planante sur fond de défilement routier puis urbain.... mais c'est du Brian Eno ! Et cette contemplation du désert qui s'érotise au fil des plans.... C'était du Linda Perhacs en fond sonore. Claque désarmante car la musique était aussi belle que la composition des plans.

A plus de 70 ans, Perhacs n'a plus rien à prouver, elle veut juste donner de la musique qui vient d'elle-même avec ses choeurs, ses voix, ses bruits... Comme sur Parallelograms et l'album de 2014, on a à nouveau droit à un morceau "expérimental". Non, même, deux ici (I'm a harmony ainsi que Visions, tous deux de 8 et 7mn) mais ils sont largement plus intéressants que sur le précédent album, plus assumés dira-t-on. Surtout ils se mêlent au grand mélange musical de l'album et ne le dénaturent jamais. Un album qui s'installe lentement en vous, vicieusement. On croit en avoir vite fait le tour au début. Puis on le réécoute, on découvre plein de petites subtilités...

Cette petite vieille qui chante comme une jeune fille pourrait être votre mamie. Et vous savez quoi ? Elle signe à nouveau là l'un des plus beaux albums de l'année. Moi je tape des mains et je dis bravo Mamie Linda.