C'est vrai, Hex est le chef-d’œuvre de Bark Psychosis et par la même occasion, l’un des meilleurs disques de post-rock. Cependant, il est dommage d’éclipser leurs premiers enregistrements, d'un intérêt historique et musical indéniable. Tous leurs EP et singles sortis entre la fin des années 1980 et le tout début des années 1990 ont eu autant d'influence sur le genre que les deux derniers albums de Talk Talk. Tous ces formats courts sont regroupés sur cette compilation fortement recommandable.
C'est sans surprise qu'on y découvre un groupe en train d'affiner son style, même si original dès leurs débuts. Avec ce disque, il est facile de comprendre pourquoi Bark Psychosis est diablement intéressant : c'est un hybride. Ils ne remplissent pas une case mais plusieurs.
Le post-rock est encore à l'état embryonnaire à cette époque et on trouve ici une musique lente entre dream pop et shoegazing. Des éléments qui seront moins présents par la suite, mais qui ne disparaîtront jamais, comme ces voix suaves et cette lenteur neurasthénique. Une chanson comme « I Know » représente à merveille cet état de fait. Des voix douces comme du velours planent au-dessus d’une guitare acoustique et d’un clavier sans jamais que l’ennui ne pointe le bout de son nez. L’apparition ponctuelle de chants de baleines renforce cette impression d’écouter une musique principalement créée pour faire rêver. Il est inutile de chercher plus loin pour constater où Slowdive et Sigur Rós ont puisé leur inspiration. Quant à l’alternance couplet silencieux et crescendo bruyant de « All Different Things », il sera la recette sur laquelle Mogwai bâtira sa carrière.
Il y aussi déjà un certain goût pour le jazz, avec des constructions de morceaux parfois alambiquées aux allures d'improvisations, comme « By Blow », qui s'achève dans des dissonances, et la très longue pièce finale « Scum ». Le jeu de batterie sur ces titres est impressionnant de subtilité.
C'est à croire que le pont jeté entre jazz et ambient avec le In a Silent Way de Miles Davis a exercé une influence énorme sur le rock vingt ans plus tard. Sans oublier le krautrock, style véritablement vénéré et déterré par le rock indé à cette époque. Les sons trafiqués de « Tooled up » renvoient directement aux collages sonores de Faust.
Quelques incursions électroniques font aussi leur apparition avec le percutant « Manman », qui réussit à s'approcher de la techno sans pour autant en être vraiment à cause de son rythme entêtant et de sa basse groovy.
Malgré des morceaux très variés, cette compilation réussit à être cohérente et propose une musique au style forcément moins abouti que sur leur premier album, mais presque aussi indispensable. Un groupe déjà farouchement indépendant et accompagné d'un grand talent, jonglant sans difficulté avec les silences et les mélodies. Une superbe musique nocturne.
Chronique consultable sur Forces Parallèles.