Ils ne doutent de rien, Gordon, Isa et Sid – tous trois (juste) au-dessous de la barre des 25 ans – quand ils déclarent, avec l’arrogance de ceux qui n’ont rien à perdre, que plutôt qu’avoir des influences, ils viennent s’inscrire dans une « histoire », une « tradition ». Quand on écoute leur second, et brillant album, "Inside the Flesh Hotel", on peut pourtant identifier clairement ce que leur musique doit aux Stones, à T-Rex et au glam en général, à Johnny Thunders, aux Dandy Warhols, et même aux Auteurs, puisque le chant de Gordon Lawrence évoque immanquablement la morgue d’un Luke Haines… Mais soyons d’accord que cette vieille fille de joie qu’est le rock’n’roll est faite pour être lutinée, pas forcément respectée : à moins, justement, qu’à l’Hôtel de la Chair, ce soit exactement ça le VRAI respect, ne pas faire comme si on était les premiers à défiler la guitare en l’air, les mélodies pop déployées !


La musique de Beechwood n’a pas forcément l’air de grand-chose à première écoute : le trio manque légèrement de cohérence, mais aussi pas mal de puissance sur cet album qui semble plutôt produit pour mettre en avant le côté pop des chansons ("Amy", qui s’incruste rapidement dans notre tête, "Up and Down", "Sucker"…), louchant parfois sur la belle évidence des Kinks. Il évite aussi soigneusement de trop explorer les ambiances délétères – drogues, décadence, toutes ces choses… - qu’on associe généralement à ce genre de musique pour viser à une lisibilité, voire une luminosité qui pourraient lui valoir l’accusation de chercher avant tout le succès populaire. Et alors ? Quel mal y a-t-il à cela ? Sur les photos, Gordon, Isa et Sid apparaissent souvent impeccablement habillés, avec cette élégance de dandys qui renvoie à une époque où Rock’n’Roll signifiait avant tout une certaine classe…


On ne peut s’empêcher de penser que l’époque d’où vient la musique, mais aussi les « principes » de Beechwood est bel et bien révolue. Qu’il s’agit là d’un combat, valeureux certes, mais quand même d’arrière-garde. Que ce Rock’n’Roll-là a tout d’un mort-vivant, pour lequel la jeunesse n’éprouvera qu’un mélange de compassion et d’ironie avant de l’abattre d’une balle en pleine tête. On peut aussi juger que cette obstination à croire en une certaine beauté, une certaine loyauté envers ces codes qui sont l’âme de notre musique, est rassurante. Voire même admirable.


[Critique écrite en 2018]

EricDebarnot
7
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le 21 juil. 2018

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Eric BBYoda

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