Brillant, romantique, sombre, déphasé, décadent, effrayant, excitant, fantaisiste, planant, envoûtant, satanique, délirant …Ceci n’est pas un disque. C’est une ambiance, un concept, une œuvre d’art à part entière.
A commencer par cette peinture originale sur la jaquette, signée des frères Clayton : entre art naïf et surréalisme, elle évoque le douanier Rousseau dans un registre cauchemardesque, crépusculaire, fourmillant de symboles…avec Luther au piano ici, Toby et son chapeau là bas, dans l’ombre… Brrrr…
Quand on ouvre la pochette, ce sont de non moins inquiétantes photos – signées William Mortenson - qui apparaissent : des femmes dénudées (façon cartes postales érotiques des années folles) matées par une sorte de Méphistophélès couronné et barbichu, dans une froide ambiance noir et blanc années 30 …Aargh…
Quant au livret, signé Michael Criley, dont les collages d’inspiration début de siècle évoquent les plages du disque, il est aussi fascinant que suranné, étrange que débridé, avec une petite odeur de grenier et de naphtaline qui intrigue…Mmmmh…


Musique !


Roulades de caisse claire, cymbales et orgue Hammond entament une valse sourde, mélodique et cadencée, idéale pour faire danser les fantômes dans les ballrooms du purgatoire. Et on enchaîne sur une sorte de jerk dans la même formation, qui visite les années 50, 60, 70, 80, ponctué de cris et soutenu par une rythmique virtuose et endiablée.


Ainsi vont s’enchaîner ces jubilatoires duos décalés à base de percussions (batterie, glockenspiel, gongs, marimba…) et de claviers (Hammond, Wurlitzer, Clavinet, piano Pétrof…). Venus de nulle part et allant on ne sait où, ils vont exprimer tour à tour ou en même temps, le jazz, l’orient, le ringard, la pop musique, le tribal, l’électro, l’expérimental, le psychédélique avec une grâce et une virtuosité trempées dans les sombres ambiances des films d’horreur à la Murnau.


On est déstabilisé, tous les repères ont sauté et tout à coup, c’est une sorte de gymnopédie totalement épurée (on pense au film Diva) qui nous rattrape, au grand piano !
Le temps d’une absinthe à vélo et d’une femme aluminée et, c’est reparti : l’orgue Hammond et son son de patinoire a ré-embrayé pour une sorte de blues forain complètement hallucinant.
Et puis retour à l’ Erik-satirie, longue bruine mélancolique qui s’échappe de la fontaine du monde… Les près de 9 minutes du pénultième sont elles plus proche de Luciano Berio, c’est à dire quasi inaudibles…et on termine sur une sorte de chant d’ivrognes au lointain tout aussi inattendu que le reste…


Un voyage expérimental inoubliable au pays effrayant d’une musique inclassable, libre, inventive et totalement habitée. Absolument génial !

RolandCaduf
8
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le 18 avr. 2021

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RolandCaduf

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