Des Fiery Furnaces on aimait, et on aime toujours, leur pop foutraque, mais dans une certaine limite. La limite du bon goût, parfois dépassée par des expérimentations, des cassures de rythme et des plans "cinq idées à la minute", ça donne parfois des haut-le-coeur. Et ça le déchire aussi, ce coeur : on y ressent des pincements. Parce que sous la masse, il y a régulièrement des mélodies évidentes et étincelantes. Là réside la bipolarité de la fraternité Friedberger, Matthew et Eleanor, les deux hémisphères du cerveau sonore des Fiery Furnaces. En 2005, le groupe sortait un EP, sobrement intitulé EP et tout aussi sobrement emballé dans sa pochette aux lettrages immenses et oranges. Ce disque regroupait des singles parus entre les deux premiers albums et quelques inédits. Certainement leur disque parfait, puisqu’il allait droit au but et droit au coeur des mélodies, notamment grâce aux imparables «Single Again», «Sing for Me» et «Duffer St. George»).

Paru chez Merge et produit par Eric Broucek, Last Summer a été enregistré l’été dernier, d’où son nom. Ce premier disque solaire et solitaire d’Eleanor Friedberger trace son chemin sur les morceaux et les moments pop des Fiery Furnaces. Haut les coeurs ! Les morceaux sont plus francs, ils filent tout droit, mais pas droit dans le mur pour autant. On retrouve sur ce disque le phrasé distinct d’Eleanor mais aussi les instrumentations propres au groupe : les synthétiseurs sont toujours de sortie et les saxophones apportent leur saveur suave et leurs solos nostalgiques («My Mistakes», «Owl’s Head Park»). Les morceaux oscillent entre pop, ballades, voire calypso («One-Month Marathon»), et penchent parfois vers des sonorités 70s, comme souvent sur les disques des Fiery Furnaces. On retrouve également sur Last Summer quelques morceaux de bravoure : l’introductif «My Mistakes» est un 2 Chords Wonder dans toute sa splendeur. «Inn of the Seventh Ray» est tout en mélodie lumineuse et petites touches d’arpeggios synthétiques hérités de Grandaddy. «Roosevelt Island», autre perle évidente de cet album, prend une direction soul avec son rythme à-la-Motown et son clavinet.

Mais il y a aussi quelques morceaux moins attachants car peut-être trop linéaires, trop farouches et traînant légèrement des pieds («Heaven», «Glitter Gold Year»). Néanmoins, sur cet album dont les thèmes prépondérants sont les voyages physiques (de Roosevelt Island à Bensonhurst, en passant par Coney Island) et temporels, Eleanor Friedberger se libère de ces turnpikes parfois étourdissants des Fiery Furnaces, et nous emmène en roue libre (du moins jusqu’au prochain album du groupe) sur une route plus paisible, pour un voyage antéchronologique relatant l’été dernier.
julienldr
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le 12 janv. 2014

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