Michel Amato, alias The Hacker, l'un des "pères" de la techno à la française, en a fait saliver plus d'un lors de l'annonce de la sortie d'un nouvel album, titré Le Théâtre Des Opérations. Ce titre fut entre-autres choisi en hommage à l'un des écrivains favoris du grenoblois, à savoir le sulfureux Maurice G.Dantec. Il fait donc ici référence à la série d'essais nommée "Théâtre des opérations" dans lesquels il refait le monde à partir de son point de vue très radical, flirtant parfois avec les extrêmes... J'ignore jusqu'à quel point ces ouvrages ont influencés The Hacker, mais la musique qu'il en a tirée est toute aussi abrasive sur le disque que les propos de Dantec sur le papier.
Composé de huit pistes quasiment toutes instrumentales, The Hacker fait de nouveau la part belle aux sonorités techno bien dures, avec quelques relents acid et indus ici ou là. Les influences du disques sont très perceptibles, autant dans les titres donnés aux morceaux ("Dancing Mekanik" qui fait référence aux paroles du titre "The Robots" de Kraftwerk" "Body Diktat" qui évoque le "Absolute Körperkontrolle" de D.A.F, "Time X" à l'émission française orientée SF...) que dans les samples (Kraftwerk, Depeche Mode) ou les sonorités utilisées : matériel analogique dans l'ensemble, avec une préférence vers le Korg MS-20, synthétiseur fameux dans le monde de la techno et de l'EBM pour les sons de basses très abrasifs qu'il peut créer.
Sur les huit morceaux, on passe de la techno pure ("Body Diktat"; "Camisole Chimique") à l'électro "drexciyenne" ("Underwater Sequence"; "Dancing Mekanik") en passant par des choses plus expérimentales, déviées de l'EBM du tout début des années 80 ("Complicated Dances" qui sonne comme un outtake de l'unique album de Liaisons Dangereuses).
Fait rare pour un album de The Hacker : son influence italo-disco pourtant si marquée n'apparaît pas du tout ici, contrairement à Love/Kraft, son sympathique opus précédent. Une autre différence réside dans la quasi-absence de guests au chant. En fait, le seul morceau comportant de véritables vocalises, c'est "Time X". Surprise, la voix appartient à la partenaire de (presque) toujours de The Hacker, j'ai nommée Caroline "Miss Kittin" Hervé. Si l'association de ces deux "technophiles" est surtout connue pour leurs deux albums qu'on pourrait qualifier de "post-new wave", rien de tout cela ici : Kittin susurre des mots anglais en boucle sur un fond de musique trip-électro-acide hypnotique.
Avec Le Théâtre Des Opérations, on se trouve en présence d'un album de techno noire et pure, digne en effet d'un disque caché de Drexciya composé à la fin des années 90. Si il est facile de l'écouter quand on connaît et apprécie au moins un peu Michel Amato ou la techno dans son ensemble, l'album reste tout de même assez difficile d'accès. On pourrait même lui reprocher d'être un peu trop long, certains morceaux, un poil répétitifs, semblent bien mieux configurés pour le dancefloor que pour une écoute posée.
PS : excusez le jeu de mot pourri du titre, mais c'était tentant.