J'aime bien la Nouvelle Star. Voilà c'est dit. Je le reconnais aisément, moi la fan de rap jazzy, de soul et de folk islandais, je défends ce télé crochet. Je pourrais citer des dizaines de raisons mais je ne le ferais pas, je dirais juste qu'à mon humble avis c'est la seule émission télévisuelle qui donne sa chance à de 'vrais' artistes sans trop les aseptiser (tout est relatif, ça reste de la télé) ; pour preuve la programmation musicale de cette année : Portishead, Damien Rice, Ray La montagne, Woodkid...
Et justement, l'année dernière, un jeune homme de 20 ans interpretait devant un peu plus d'un million de personnes, un jeudi soir, 'Between the bars' de Monsieur Eliott Smith. Les yeux écarquillés, j'hallucine. 'Waw y'en a à D8 qui ont des couilles !'
Ce jeune homme, un certain Mathieu Saikaly, gagnera le fameux graal. C'est l'étonnement général, le bonhomme revendique haut et fort ses références : Eliott Smith donc, mais aussi Bob Dylan, Devendra Banhart... En gros, un vrai amoureux de folk. J'imagine alors tous les scénarios; soit il va se faire bouffer par la maison de disque, bah oui il est jeune et donc influençable, et va se retrouver à faire de la daube commerciale (suivez mon regard...). Soit il va se battre pour imposer ses choix et son univers. Et à ma grande joie, Mathieu choisira la deuxième option.
Son premier Ep est donc sorti début mars, soit un an après sa victoire. En gros, une éternité. Le risque était énorme car l'attente était redescendue et le -jeune- public de D8 avait de nouveaux chouchous...
Mais c'était sans compter sur le talent du jeune homme. Talent que j'avoue, j'avais sous estimé...
Car dès les premières notes de 'Cliché cosmique' et jusqu'à la dernière seconde de 'Canvas' nous voilà transporté dans un univers doux, parfois pétillant, souvent mélancolique. La force de ce 6 titres est de réussir à créer un univers surprenant tout en arrivant à être subtil.
Je crois qu'en fait, cet Ep, c'est ce que j'attendais en France. Un mec qui fasse de la bonne folk, un mec qui ait compris les rouages de cet univers. Un mec qui ose mettre de la flûte ou du violoncelle derrière une base de guitare. J'avais l'impression que ce courant musical n'arrivait pas à s'implanter en France. Comme si ce n'était pas dans notre adn et que la moindre intention folk se transformait en vulgaire varietoche (ah ça c'est dans notre adn...)
Mathieu comble donc ce besoin; faire de la folk intelligente sans tomber dans la facilité.
Puis y'a les textes, parfois faussement naïfs comme sur le planant 'Cliché cosmique', parfois terriblement profond comme sur la merveille qu'est 'Poison'.
Ce 1er Ep de Mathieu Saikaly mérite assurément plusieurs écoutes, tantôt en bord de mer pour apprécier la douce nostalgie de 'From glass to ice', tantôt en début de soirée, quand les sens sont plus sensibles, pour comprendre cette remarquable fausse bossa sur l'incroyable 'Canvas'.
Depuis plus d'un mois j'écoute tous les jours 'Poison', parce que ce titre me touche plus que je ne pourrais l'expliquer et aussi parce que je suis épatée. Épatée par la qualité de cet essai et de la force de son auteur.
Oui, on peut sortir gagnant d'un télé crochet et faire de la bonne musique. Oui, on peut être jeune mais rester intègre aux artistes qui nous ont inspiré et donné envie de faire de la musique tout en gardant son identité.
Bravo Monsieur Saikaly et vivement l'album (prévu pour juin).