"AmaZayn"
Que dire cet album... Même si vous n'êtes pas fan de Zayn, cet album plait à tous, autant aux jeunes qu'aux plus agés... Même si quelques paroles peuvent êtres plus osées, c'est ce que le public aime...
le 31 janv. 2019
L'étape du premier album n'est jamais facile, particulièrement lorsque l'on décide de s'émanciper d'un boys band au succès colossal. Zayn Malik, tout simplement rebaptisé Zayn pour sa carrière solo, était très attendu au tournant avec son premier opus. Membre le plus distinctif des One Direction vocalement (oui, ne me regardez pas comme ça, j'ai écouté certains de leurs albums par curiosité), le chanteur avait beaucoup à prouver et avait surtout à présenter un style propre à lui, le faire accepter et s'affirmer en tant qu'artiste.
Son premier album solo s'intitule Mind Of Mine, une revendication d'indépendance portée par un son résolument plus adulte et s'orientant vers un R&B très urbain, ainsi que par des paroles sans filtre et ouvertement sexuelles. On pourrait dire que Zayn a suivi la recette Justin Timberlake mais ce serait réduire sa musique et sa vision à quelque chose de déjà vu. D'autant plus que le chanteur ne cherche à aucun moment à être quelqu'un d'autre que lui-même et produit un premier album impressionnant par ses choix artistiques. La sélection des producteurs n'y est pas pour rien. Evitant les gros noms pop (comme Naughty Boy, annoncé à la base), Zayn a décidé de recruter cinq collaborateurs très différents : Malay, un producteur discret, connu pour avoir produit le chef-d'oeuvre de R&B qu'est l'album channel ORANGE de Frank Ocean ; Alan Sampson, qui travaille pour le gratin de la pop anglaise ; MYKL et Levi Lennox, deux jeunes premiers ; et XYZ, un producteur adoptant un pseudo mystérieux dans le but de garder confidentielle son identité, preuve que Zayn ne cherche pas à revendiquer son tournant musical à travers des noms de collaborateurs célèbres mais bien le sien.
Mind Of Mine comprend évidemment son lot de titres pop. Il y a évidemment le premier single Pillowtalk, une production impeccable mettant en avant la force vocale du chanteur, le très sexy et accrocheur TIO (“Take It Off”), le plus lumineux et faussement funk She ou le trop prévisible Like I Would. On pourrait aussi ajouter à cette liste le titre Befour, mais à travers ses influences électroniques ce morceau semble revendiquer un style plus expérimental qui va vraiment se développer dans la suite de Mind Of Mine.
Car si l'album démarre en grande pompe avec une intro, à la fois étrange et lumineuse donnant le ton ambitieux du disque, et cinq tubes potentiels (ou confirmé dans le cas de Pillowtalk) qui s'enchaînent merveilleusement bien, il prend un tournant vers des chansons moins accrocheuses, parfois même un peu plates, mais à l'aspect résolument plus expérimental. Cette partie démarre avec Flower, un ghazal (une forme de poème perse) chanté en urdu sur une production rendant hommage aux origines pakistanaises de Zayn. L'artiste n'est clairement pas là où on l'attend et cette courte interlude donne un tout autre ton à l'album, ou au contraire vient insister sur le fait que Zayn veut être pris sérieusement et cherche à surprendre.
Le chanteur anglais continue de surprendre sur des morceaux plus électroniques dans la lignée de Befour et qui ne sont pas sans rappeler un certain Abel Tesfaye (aka The Weeknd) : il offre le poignant Rear View, Lucozade, une sorte de discours chanté et halluciné, et plus tard le faussement pop et envoûtant Bright. On trouve aussi dans cette partie des morceaux plus calmes, qui cherchent ici à briller par leur contenu lyrique plutôt que musical, et un morceau pop plus classique et, encore une fois, assez inattendu, quoique moins intéressant, Fool For You.
Ce dernier permet de mettre en avant la principale ambition et force de Zayn sur Mind Of Mine : expérimenter au niveau de ses performances vocales. La première partie prouve excellemment bien que le chanteur n'a peur d'aucun défi démarrant avec la puissance vocale de Pillowtalk juste avant de retomber vers le très planant et émotionnel It's You où il incorpore du raga (une tradition musicale indienne qu'il avait aussi mis en avant sur l'intro de cet album), puis d'enchaîner avec une performance plus pop sur Befour, cherchant à surfer sur la production de Malay, et une autre carrément pop sur le très efficace She. Le tout se clôt sur une performance plus classique d'un R&B fin 90s-début 2000 avec Drunk. En cinq morceaux, Zayn réussit à dévoiler une palette de performances vocales impressionnantes et toutes aussi accomplies. Une force qui va venir apporter de la saveur sur le reste de l'album à des productions parfois trop minimalistes (Borderz, She Don't Love Me).
Le contenu lyrique de Mind Of Mine est peut-être la seule chose un peu décevante dans le sens où les attentes visaient une confession sur le succès et l'envers du décor des boys-band. Zayn ne cherche pas à enfoncer le clou ou à créer une controverse supplémentaire quant à son départ de son ancien groupe ne l'évoquant que subtilement sur Befour (“Time for me to move on / So many hours have gone / Heart beats the pump of my blood / No strings for you to pull on”), ou critiquant le manque d'authenticité dans leur musique et dans leurs vies surmédiatisées, ainsi que ses conséquences sur Truth (“This ain't my scene, this wasn't my dream, it was all yours / Of course I got caught up in this game and you know I won't say names of who's to blame”). Le reste de l'album se partage entre chansons d'amour bien écrites (It's You, Drunk) ou plus évidentes, pour ne pas dire banales (Like I Would, Fool For You, She), et de morceaux ouvertement sexuels (She Don't Love Me, Borderz, TiO). Au final, que trois titres sont véritablement intéressants lyriquement : Lucozade, un monologue intoxiqué qui gagne par sa construction sans refrain ce qui lui donne presque des aspects de freestyle et qui renforce l'ambiance hallucinée de la production de Malay ; Rear View, qui prend des airs de constats personnels ; et enfin Pillowtalk qui réussit à parfaitement mélanger l'aspect purement sexuel d'un rapport avec l'aspect spirituel, quelque chose de trop rare dans le R&B et le pop actuelle.
Sans être le témoignage attendu sur l'enfer de sa vie de star de boys-band ou une série de tubes accrocheurs et mémorables, Mind Of Mine est un premier album impressionnant, fort d'une très grande maturité artistique, d'une production expérimentale parfois surprenante et d'une palette de performances vocales admirables. Le principal atout du disque est l'habilité qu'ont Zayn et ses producteurs à créer de véritables ambiances à travers une ou plusieurs chansons. Drunk, l'un des morceaux les plus réussis de Mind Of Mine, joue la carte d'un R&B assez classique mais, à travers ses couches d'instrumentalisations planantes et son piano lointain, finit par créer une véritable histoire, une vraie émotion. Le quatuor Blue/Bright/Like I Would/She Don't Love Me constitue une progression brillamment exécutée et qui apporte beaucoup de saveur à des titres en manquant pris au cas par cas. Grâce à cette habilité à créer des ambiances si fortes, Mind Of Mine est d'une cohérence sublime.
Bien sûr l'album produit aussi des ratés. Le seul duo de l'album, Wrong, avec la chanteuse Kehlani, ne prend du tout faute à une absence d'alchimie entre les deux artistes. On peut aussi noter le ralentissement de Borderz et de Truth, deux productions trop épurées et surtout trop lentes vis-à-vis des titres qui les précédent et les suivent. Cela créé une sorte de lenteur assez perturbante aux premières écoutes.
Zayn fournit malgré cela un travail prometteur, admirable et qui va à l'encontre de toutes les attentes d'un succès pop. Mind Of Mine met en avant un chanteur talentueux et caméléon, et surtout un artiste ambitieux et intelligent. Le pari délicat du premier album solo est clairement gagné pour Zayn. Vivement le second !
(à écouter : dRuNk, iT's YoU, Rear View, Pillowtalk)
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Créée
le 11 juil. 2016
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4 j'aime
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