Il était grand temps que l'écurie Erased Tapes soit appelée du pied pour embellir les productions ci
La beauté des mots et celle des sons ne sont pas forcément corrélées. Qui aurait en effet pu croire que la bande originale d'un documentaire porté sur des faits sordides puisse être aussi lumineuse ? Peter Broderick réussit (évidemment) ce petit tour de force avec la bande son de "Confluence". Ce documentaire américain, réalisé par Jennifer Anderson et Vernon Lott, s'arrête sur une mystérieuse série de meurtres et disparitions de jeunes filles au début des années 80 dans l'Idaho. Le genre de pitch casse-tête au possible pour celui ou celle qui doit en créer l'accompagnement sonore...
Il fallait être sourd pour l'éternité pour ne pas reconnaître dans moult productions de Peter Broderick, désormais installé à Berlin, un fort accent cinématographique. "Music For A Sleeping Sculpture of Peter Broderick" et dans un autre registre, "Music For Falling Trees" destiné à une chorégraphe britannique, comportaient déjà de nombreux éléments sonores à même de décrire des atmosphères torturées, des paysages désolés d'où surgissent quelques fugaces éclats de lumière. On le sentait aussi dans sa récente production avec Rauelsson, alias "Réplica", voire même dans "Mort Aux Vaches" avec Machinefabriek. "Confluence" lui offre la latitude nécessaire pour s'exprimer et recréer ce type d'univers musical conceptuel dont il raffole.
A images sépia et horizons infinis, musique planante et complexité sombre ; treize titres comme treize étapes d'une histoire sordide sur un fond paysager désolé et passionnant. Dès l'introduction "In The Valley Itself", Peter Broderick parvient à mélanger deux sensations pourtant incompatibles sur le papier : un malaise permanent face à l'histoire contée et une sérénité presque insolente quant à la beauté conceptuelle de son oeuvre. Les nappes de piano sont discrètes, froides comme de la neige dure. Les guitares se montrent quand l'envie leur prend, c'est-à-dire rarement. Même les éléments orchestraux sont rares et les bruits d'ambiance, disséminés avec parcimonie.
Mais ce minimalisme éclairé n'en est que plus brillant, rappelant par moments le néo-classique volontairement imparfait d'un Nils Frahm (les craquellements dans "We Enjoyed Life Together", par exemple, rappellent le procédé d'enregistrement utilisé par l'allemand dans "Felt") ou le lyrisme d'un Clint Mansell (certains motifs de "Some Fisherman On the Snake River" et "The Person Of Interest" rappellent d'ailleurs directement le thème principal de "Requiem For A Dream"). Ces allers-retours, souvent sans transition, entre envolées et silences réfléchis n'en sont que plus intéressants et surprenants, l'ambient-folk de "She Just Quit Coming To School" rappelle Paavoharju et, tel un post-scriptum, Peter Broderick se laisse aller avec "Old Time", la piste finale, à un étrange moment de folk chantée mélancolique, apportant une note de mystère supplémentaire sans l'accompagner de réponse...
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