No Summer
7.2
No Summer

Album de Cinder Well (2020)

Je ne sais plus trop comment je suis tombé sur ce No Summer. Ce dont je me souviens en revanche, c'est que dès la première écoute je fus happé par la voix divine, par la pureté des mélodies, par l'ambiance envoûtante qui s'en dégage. Je me souviens aussi que les jours suivants, j'y suis revenu, inlassablement, pour ne finir par écouter que ça. Et que maintenant encore, quelques mois après la découverte, il ne se passe pas deux ou trois jours sans que je l'écoute.
No Summer, où comment une rencontre fortuite débouche sur un véritable coup de foudre.


Celle qui fait fondre mon petit cœur, c'est Amelia Baker, une jeune californienne basée en Irlande, et qui se cache derrière le nom de Cinder Well. Elle a fait ses armes au sein des Blackbird Raum (du folk punk qu'ils appellent ça, écoutez l'album Destroying, dans le genre, c'est vraiment bien foutu), et elle tourne régulièrement avec la nouvelle garde du folk irlandais, notamment avec Lankum, l'un des groupes les plus passionnant de ces dernières années, tout genre confondu.
Ce No Summer n'est pas un coup d'essai, Cinder Well a déjà deux autres albums à son actif. Mais il s'agit ici du premier où Amelia est seule maître à bord. En résulte un disque autant imprégné de musique traditionnelle américaine qu'irlandaise, révélant les influences de la jeune femme, partagée entre les deux cultures. Mais tout ceci se mêle remarquablement bien, de façon très homogène. Pas étonnant en même temps, tant les passerelles entre ces deux folklores musicaux sont nombreuses.


Il se dégage une grande cohérence des neuf titres qui composent l'album. Chacun d'entre eux sonne comme un classique, mille fois entendu, et pourtant si beau et si pur que l'on en oublie qu'il vient d'être composé. "Fallen" évoque Jason Molina dans ces plus belles heures, "Old Enough" semble échappé d'un autre temps, tandis que le titre éponyme fait presque figure de tube. Et même "From Behind the Curtain", qui déçoit quelque peu aux premières écoutes, se révèle au fil des écoutes être une fin parfaite à l'album.


Les reprises de morceaux traditionnels américains s'insèrent parfaitement au milieu des autres compositions. "The Cuckoo", avec sa guitare crépusculaire et son rythme ralenti à l'extrême, devient la bande son parfaite pour une virée nocturne au cœur des Appalaches. "Queen of the Earth, Child of the Skies" est une pause bienvenue et entièrement jouée au violon. Quant à "Wandering Boy", qui ouvre l'album, le morceau est ici épuré au maximum, ne reste plus que la voix splendide d'Amelia Baker sur une nappe d'orgue qui tire sur le drone.


Et pourtant, au milieu de tout ça, un joyau brille d'une lumière encore plus vive. "Our Lady's" est incontestablement le sommet du disque, ça commence assez classiquement, avant de ralentir soudainement, pour étirer le temps sur neuf minutes d'une intensité folle, où le silence impose sa présence. A chaque fois que la voix d'Amélia réapparait, à chaque fois le temps s'arrête complètement, les poils se dressent sur mes bras, des frissons me parcourent, et mes yeux deviennent humides. Et même après tout ce temps, et toutes ces écoutes, je suis à chaque fois saisi par la beauté de ce "Our Lady's".


Si j'ai évoqué Lankum plus tôt, ce n'est pas sans raison. Les deux groupes partagent une vision semblable dans leur manière de se réapproprier la musique traditionnelle. Plus que de reproduire fidèlement ces morceaux si connus, il s'agit ici de se réapproprier l'essence de ce folklore, mais en y ajoutant de nouveaux éléments issu du drone ou du dark folk.


Cela faisait longtemps que je n'avais pas été pris par un disque, bouleversé à chaque écoute, encore et encore. Ce No Summer vient de corriger le tir. Il s'agit surement de ma plus belle rencontre musicale depuis très longtemps. Et je crois bien que je suis amoureux.


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le 6 nov. 2020

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