Barton Hartshorn, ce n’est pas un nom facile à prononcer, ni même à retenir, pour un Français. Et pourtant, Barton est un musicien anglais expatrié à Paris qui aurait paraît-il adopté le nom de son village d’origine (même si on ne trouve pas trace d’un Hartshorn sur Google Maps !), qui joue la plus anglaise des musiques, et qui se trouve maintenant d’emblée classé désormais parmi les musiciens français : échec à Boris Johnson et à sa clique ! Même s’il faudra que l’on interroge Barton sur le Brexit et sur ses plans d’avenir (on imagine bien l’inquiétude d’un Jean Le Creusot expatrié à Londres et jouant de la chanson française !), on est franchement ravis, en écoutant son nouvel album, "Not What I Expected to Hope For", qu’un tel talent soit installé de ce côté-ci du Channel !


Alors que certaines de ces compositions précédentes allaient errer sur les terres du soft rock californien, voire de l’Americana, "Not What I Expected to Hope For" est revenu franchement célébrer l’héritage de la pop anglaise, plutôt d’ailleurs sur son versant new wave / années 80 : on a le droit de penser aux fantaisies d’un XTC dernière époque (le très réjouissant "Like The Sea", peut-être le titre le plus immédiat) ou encore à la morsure ironique et au débit d’un Costello ("I Got Away…") ou d’un Joe Jackson. On a même le droit de citer l’efficacité soul d’un Robert Palmer sur un "Listen for A Change", parfaite chanson pop sur lit de claviers accrocheurs qui devrait avoir le droit de séduire un plus large public que celui auquel cet album est normalement destiné. Cette exubérance est néanmoins tempérée, et joliment, par une subtilité folk qui confère une profonde singularité à cet album : une sorte de douceur mélancolique, bien en phase avec le titre (« Pas de ce que je m’attendais à espérer… », soit une belle expression ambigüe et paradoxale), mais qui ne prive pourtant pas l’album d’une formidable vitalité.


"Message back to You" fait par exemple preuve d’une magnifique profondeur, d’une amplitude, d’une aisance mélodique qui renvoie aux plus beaux moments de Prefab Sprout, tandis que Barton déploie une imagination de conteur digne d’un romancier : ici c’est l’adulte futur qui parle à l’enfant qu’il est encore / a été et lui, et essaie sans illusion de le conseiller… "The Gold Black Vacuum of Your Past" joue parfaitement la carte du dépouillement et de l’émotion, grâce au talent vocal de Barton, dont on se met à aimer plus la voix singulière à chaque écoute.


La conclusion de l’album, "If You Were Coming, You’d Be Here by Now" (une histoire de rendez-vous amoureux qui se termine en tragédie), aurait tout d’un « classique » si l’ajout d’une rythmique électronique ne projetait pas la chanson dans une sorte de zone indécise entre élégance jazzy et modernisme décalé.


Bref, en découvrant ces riches histoires de perte, de regret, de jalousie, de tristesse, posées sur des mélodies élégantes et des orchestrations étonnamment variées, on se dit qu’il nous faut absolument empêcher Barton Hartshorn de repartir en Angleterre. Que nous devons le célébrer comme l’un de nos plus beaux compositeurs et meilleurs chanteurs actuels ici en France !


[Critique écrite en 2021]
Retrouvez cette critique et bien d'autres sur Benzine Mag : https://www.benzinemag.net/2021/01/27/barton-hartshorn-not-what-i-expected-to-hope-for-pop-et-folk-anglais-eternels/

EricDebarnot
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le 7 févr. 2021

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Eric BBYoda

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