Le véritable rock n'est pas mort, il s'est juste exporté ailleurs (et ça lui fait du bien)

S'il y a bien une redondance éditoriale de ces vingt dernières années qui m'agace, c'est bien celle qui prophétise ou rejette la notion de "Mort du Rock"; et à bien y regarder, les hérauts ou les oiseaux de mauvais augures sont tous des septuagénaires un peu désuets mais immanquable dans le paysage. Tous reconvertis dans la production ou dans des émissions de télé-réalités banales, ce Rock là tarde un peu trop à mourir justement.


Je n'ai jamais fait partie de ces gens qui se masturbent les oreilles sur de grands classiques d'un genre et qui s'offusquent que l'on ne puissent pas s'émouvoir sur un riff acéré d'Angus Young ou la sale basse de Lenny. Jamais je ne les exhorterais à vivre avec leur temps mais jamais je ne pourrais entendre qu'il n'y a plus de nos jours d'aussi grand artiste qu'avant. C'est simplement qu'aujourd'hui l'offre titanesque a, quelque part, arrondi les angles créatifs, cristallisé les fans autours d'icônes solides commercialement et c'est peut-être d'autant plus valable pour le Rock qui n'a plus le pouvoir dont il rayonnait auparavant.


Cela n'empêche pas pour autant quelques perles d'émerger et de se creuser une solide réputation auprès des néophytes comme des mélomanes du dimanche qui parviennent à les trouver, jusqu'à provoquer une rare unanimité de la critique. Tash Sultana fait évidemment partie de cette catégorie mais se démarque très certainement du lot par une originalité qui semblait jusque là oubliée de tous et une puissance sonore capable de réveiller l’entièreté des tenors du club des vingt-sept.


Clairement, elle fait parti de ses rares artistes dont les performances studio paraissent médiocres à côté de ses lives. Déjà parce que Tash est une véritable femme-orchestre en transe et qu'il faut l'entendre et le voir pour le croire et ensuite parce que chaque live constitue en soi une variante chaque fois plus parfaite. Après ça, il est impossible d'écouter l'album sans remarquer l'aspect mécanique et calibré, là où les versions live s'autorisent plus d’épanchements mélodieux qui collent bien mieux à ce qu'on attend d'une artiste aussi complète.


Parce que Tash ne se contente pas d'être une digne héritière des guitaristes de génie. Si ces derniers ont construit leur réputation sur un groupe dont la postérité a bien souvent oublié le nom, Tash peut se targuer de n'avoir besoin de personne d'autre qu'elle pour assurer le spectacle avec son armée de sampler et de boîte à rythme. Si elle est parvenu à créer un tel consensus autour de sa musique, c'est que son approche artistique paraît peut-être plus "honnête". La démarche d'écoute est à mon sens totalement différente que sur des productions plus "populaires" où l'intérêt est de calibrer des sonorités appréciées par le plus grand nombre. Ce n'est pas un mal en soi puisqu'à mon sens il n'y a pas non plus d'intérêt dans la position opposée qui consiste à produire une musique "alternative" que personne n'écoute. Chez Tash, le mouvement est différent: c'est le public qui doit trouver des prises pour se calibrer à sa musique. Car il n'y aura pas de concession faite sur l'hôtel de la facilité et du succès artificiel, il suffit de la voir jouer pour comprendre que c'est avant tout elle qui est investie par la puissance de son propre son et nous autres auditeurs, nous ne sommes que des invités hagards d'étonnement devant cet enthousiasme '(au sens étymologique du terme) trop rare de nos jours.


Ce qu'il nous faut, c'est un retour aux sources du plaisir sonore avec pour guides, non pas des célébrités interchangeables mais celles et ceux qui ont compris qu'il ne s'agit, paradoxalement, pas de satisfaire l'ouïe pour être un bon musicien et haranguer les foules. Prenez les DJ (ces chefs d'orchestre modernes), peuvent-ils se contenter d'enchaîner avec une technique parfaite des musiques qui leur plaisent ? Oui, mais de ce cas, vous avez affaire à DjGégé qui fait toute les salles des fêtes d'un patelin paumé et qui se rêve en Guetta (un peu moins amoché). Tout est dans la lecture et le dialogue avec l'auditeur, créer la frustration pour mieux la déchaîner ensuite et jouer avec les codes communs pour mieux atteindre. Bref, être un spécialiste de l'émotion en somme.
C'est peut-être pour cela que les artistes présents sur des plateformes comme Soundcloud ou Youtube rayonnent contre la vieille garde désuète.

Thepunkowl
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le 3 oct. 2019

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Engy Near

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