On Croit Qu’On En Est Sorti est le deuxième album de Serge Teyssot-Gay. Le musicien guitariste ouvre sa voix pour onze récitations musicales des textes extraits du livre, La Peau Et Les Os, de Georges Hyvernaud, écrivain oublié et décédé en 1983.


Georges Hyvernaud a été prisonnier dans un camp en Allemagne durant cinq années, lors de la guerre mondiale que l’on espère toujours seconde. Des conditions vécues en promiscuité, comme dans "Les Cabinets" (un des passages les plus marquants) avec d’autres soldats en captivité, dans le froid, la boue, les étés brûlants, dans l'oisiveté et l'ennui, il en a écrit son livre qui recevra un mauvais accueil par une grande majorité des contemporains trop contents de la fin d’un conflit qui a mis l’Europe à feu et à sang.


Serge Teyssot-Gay livre des passages de l’œuvre écrite, les récite avec sa manière de rapper parfois, tout en mettant sons tortueux et mélodies lancinantes à des souvenirs qui devaient être dits. Les illustrations du peintre brestois, Paul Bloas, alors, semblent prendre mouvement à l'image de ces silhouettes humaines réduites au désœuvrement, à l'humiliation de l'inactivité, marchant en traînant leurs pas où rien ne se passe sinon le temps qui s'allonge et qui rend fou. Parfois, des activités voisines permettent d'occuper les esprits, même dans une vision terrible et glaçante que génère "Le Camp Des Russes", moment qui noue les tripes et la gorge avec une guitare planante et lugubre d'où s'expriment geignements et barbouillis entremêlés.


On Croit Qu'On En Est Sorti reste un album poignant et commémoratif, qui touche toujours autant plus de vingt plus tard, en pensant surtout à des parents ou des grands-parents qui ont traversé cette période de l'histoire qu'ils pouvaient nous raconter.


En pensant aussi que des conditions pareils décrites existent toujours de par un monde dont nous ne nous en sommes pas encore sortis aujourd'hui.


"...Ce qui m'intéresse, c'est de dire sans tricher ce malheur mou, ce malheur bête où nous pataugeons. Ces planches immondes où tu frottes tes fesses de Sous-Inspecteur. Au moins, quand on vit ce malheur-là, tout devient clair. Tout ce qu'on nous cachait. Ils nous laissaient croire au morales, aux musées, aux frigidaires, aux droits de l'homme. Et la vérité, c'est l'homme humilié, l'homme qui ne compte pas. Fini, les temps des phrases. La vérité, c'est la faim, la servitude, la peur, la merde. Comme aux pires époques. On n'en est pas sorti, des pires époques. Elle est jolie, leur Europe. Ces types qui gueulent dans la neige, le ventre ouvert, parmi des mécaniques défoncées. Ces esclaves qu'on pousse sur les routes à coups de crosse. Et nous autres qu'on a mis à pourrir là, dans ce village de baraques haillonneux et désespéré, au centre de cette Europe de neige et de nuit...."

"Leur Europe".

MonsieurScalp
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le 17 sept. 2022

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