Après la sortie de Don Solaris en 1996, 808 State, toujours composé de son trio de membres (Graham Massey, Andy Barker et Darren Partington) se font de plus en plus discrets. En 1998, leur label ZTT sort une compilation qui fête les dix ans du groupe, simplement nommée 808:88:98. S'y trouve donc un best-of augmenté de quelques remixes et d'un titre inédit, "Crash", dans la lignée des titres de Don Solaris : complexe, jazzy et organique.
Si le trio continue de travailler pendant les années suivantes (une collaboration avec l'ex chanteur des Stone Roses, Ian Brown qui reste finalement lettre morte après des sessions de studios avortées en 1999), le groupe ne retourne en studio qu'en 2001, plus particulièrement aux Testa Rossa Studios de Manchester. Là, et pendant une année complète, ils bidouillent et trafiquent leurs synthés et finissent par créer un nouvel album. Massey, désormais père de famille, à moins de temps à consacrer au groupe, et préfère prendre son temps afin de ne sortir que le meilleur des sessions entreprises sur place. Leur contrat avec ZTT s'étant terminé avec la sortie de Don Solaris, le trio en signe un nouveau avec le label Circus Records, petit label anglais indépendant qui a également sorti quelques productions des mancuniens de The Fall et de The Go-Betweens. Le nouvel album, titré Outpost Transmission, sort le 11 novembre 2002 au Royaume-Uni et en Europe (le disque sortira sur un autre label aux États-Unis, une année plus tard).
Composé de 14 titres dans sa version originale, ce nouvel opus continue de creuser le sillon ouvert avec Ex:El. En fusionnant toutes leurs influences, le trio parvient à créer une musique toujours aussi novatrice et "différent". Cela étant dit, ce nouveau disque commence à faire "routine", sans chercher à renouveler la formule. Par conséquent, on se retrouve ici avec une sorte d'addendum de Don Solaris sans véritable nouveauté. Sur les quinze titres, on retrouve des choses très up-tempo ("606"; "Roundburn Mary", "Yoyo") des choses très ambient-jazz ("Wheatstraw"; "Suntower", "Bent", "Lungfoo") des influences plus techno ou drum'n'bass. La construction rythmique des morceaux est souvent assez alambiquées et recherchées, ce qui fait la force de 808 State. L'influence world du milieu des années 90 reste encore très marquée dans Outpost Transmission, qui fraye même parfois avec le polyrythme africain, preuve que les géniteurs de "Pacific State" proposent une musique tout à fait différente de l'acid house, genre auquel ils seront malheureusement toujours associés.
Au rayon des collaborations vocales, si le groupe a tenté une fois de plus de travailler avec Ian Brown (sans succès), il va démarcher Billy Corgan des Smashing Pumpkins, qui leur demande un rien trop d'argent pour un simple featuring. Pour le coup, Massey, Barker et Partington font appel à Simon Lord (Simian Mobile Disco) pour donner de la voix sur le très early 2000 "606", et il est vrai qu'on aurait trés bien pu s'imaginer Corgan donner de la voix sur ce morceau, d'autant plus qu'il ouvre le disque. Guy Carvey, chanteur du groupe Elbow chante sur "Lemonsoul", ballade down-tempo dont l'ambiance font directement le lien avec certains titres lents de Primal Scream ou Pulp : on s'imagine facilement, rentrant chez soi à 5h du matin après une nuit de folie passée en rave, tout en regardant le soleil se lever. Enfin, 808 State fait appel à Larry Love sur "Crossword", l'un des titres les plus influencés techno de ce nouveau disque, dont l'ambiance surréaliste (une succession de mots parfois sans queue ni tête) n'aurait pas dépareillée sur la B.O du Lost Highway de David Lynch.
De manière générale, il serait malhonnête de dire que Outpost Transmission serait un album faible, ou "le plus mauvais album de 808 State". En tout cas, il est clair qu'a l'écoute de nouvel opus, il a du mal à tenir la distance face à ses prédécesseurs. Néanmoins, il faut rendre à César ce qui est à César. Le groupe, même en 2002, parvient donc encore à délivrer un disque avant-gardiste, marqué par son usage particulier des tempos, des harmonies et plus globalement de la production (mélange de synthés analogiques, de boites à rythmes vintages, de guitares saturées, de vraie batterie et d'instruments à vents divers et variés). Outpost Transmission reste une fois de plus à des lieues de la scène électronique british de ce début de 21ème siècle : on est ni dans le big beat des Prodigys ou des Chemical Brothers, ni dans l'IDM d'Aphex Twin ou d'Autechre, ni dans la house de Daft Punk. 808 State a pourtant influencé tous les artistes qui viennent d'être cités, mais, à l'image de groupes comme Underworld ou L.F.O qui sortent eux aussi de nouveaux disques à cette période (cf A Hundred Days Off pour les premiers et Sheath pour les seconds), restent purement et simplement inclassables. Ainsi, si Outpost Transmission n'est pas un chef d’œuvre de musique électronique, ça reste ni plus ni moins qu'un bon album de musique électronique, qui n'a certes pas la carrure d'un Ex:El ou même d'un Don Solaris.
Ce sera en tout cas leur dernier album studio en date. Le groupe a continué par la suite de tourner (notons un second et dernier passage en France à Montpellier en 2006) sans s'arrêter, tandis que chacun des membres partait faire fructifier son projet solo. Hormis la sortie de compilations diverses et variées, il aura fallu attendre le mois de juin 2019 pour entendre 808 State sur un nouveau disque, avec la sortie de leur EP Initial Granda Report.
La suite au prochain épisode ? Et bien oui ! Rendez vous en octobre prochain pour la sortie de leur premier album en 17 ans : Transmission Suite !