Comme une porte sur le désert

Dès le premier morceau, dès le premier accord de guitare, on plonge dans un western mélancolique. Dès le premier frétillement de tambourin, nous sommes sur un cheval, à errer lentement, la gueule éclaboussée d'un crépusculaire paisible. Des histoires se contre-choquent en nous, nous invite à la réflexion, à inspirer la rumeur lointaine qui nous vient, à écouter notre respiration et nos battements d'émotion.
Il y aura un harmonica, douloureux dans un premier temps, tranquille dans un deuxième. Il y aura une flûte, comme le renoncement d'un temps béni mais sali, pour une nouvelle ère plus sage en surface bien que toujours aussi sauvage dans son fond. Il y aura, parfois, la voix de Dylan, jamais là juste pour être là, mais pour souligner l'intensité du film comme de ses visions Américaines, où les rêves se consument sous le poids des sacrifices. Mais il y aura, surtout et avant-tout, la fuite.
La fuite vers ces portes du paradis, bien sûr, dans sa plus belle version. La fuite pour ces paysages propres au luxe, au calme et à la volupté. Mais, surtout, une fuite vers nos rêves Américains, entretenus par une évocation distillée de partances. Pour les entretenir, il nous faut des sachets de rosée, qu'on prendrait pour des larmes, et c'est ce que nous amène, entre les dents, le vieux Bob s'apprêtant à se fondre dans ses inspirations nostalgiques de faux cow-boy. Cette fuite, cette évocation, cette rivière sans retour, c'est tout ça dans ce disque pour nous, les Indiens qui avons perdu notre Amérique. Notre cheval fatigué nous sourit, malgré tout. Toujours debouts.
C'est sans doute pourquoi écouter cet album, devant le soleil couchant, dans un train de préférence, est un des plus grands bonheurs musicaux que je connaisse.