A la lumière de leurs carrières solo respectives, il ne semble pas bien difficile de deviner la répartition des rôles du duo Friedberger dans l'aventure des Fiery Furnaces : les expérimentations pour Matthew et le classicisme pour Eleanor. C'est peut-être loin de la réalité, mais après les 10 albums (majoritairement inécoutables) du frère, et les deux albums magiquement pop de la sœur, il ne reste pas vraiment de doute. Séparés, provisoirement selon eux, depuis 2011, les Fiery Furnaces faisaient du sur-place depuis quelques années, conciliant difficilement deux tendances de plus en plus marquées. Il est possible qu'après s'être épanché dans leurs envies les plus extrêmes, le duo puisse à nouveau s'entendre. Mais un nouveau chapitre s'écrit aujourd'hui. Car, si on pouvait légèrement regretter la créativité des Fiery Furnaces à l'écoute de Last Summer, le charmant premier album d'Eleanor Friedberger, le deuil est accompli dès les premières chansons de Personal Record.

C'est un disque de pop rock à l'ancienne, avec cette intemporalité qui sied si bien au genre. Ce n'est pas vraiment les années 50, le son est différent, pourtant tout est familier, que ce soit les slows pour « prom nights » (Other Boys, My Own World) ou les rocks pour décapotables (Stare at the Sun, When I Knew). Les thèmes sont classiques et il est ici beaucoup question d'amour et de cœurs brisés. Mais cette musique ne tombe jamais dans la parodie ou l'imitation sans âme, au contraire. C'est bien là la grandeur de l'auteur, transcender des structures préhistoriques par la seule force de sa qualité d'écriture. Les chansons sont tout bonnement extraordinaires.

Eleanor trouve toujours la note juste, la tournure de phrase, l'intonation, le petit déclic qui accroche. C'est une avalanche de refrains inoubliables, rendus d'autant plus délicieux par ce chant si particulier. C'était une des premières choses que j'avais notées dans ma déclaration d'amour à Blueberry Boat, « Eleanor rebondit sur toutes les syllabes, toutes les assonances, sa voix sautille avec la musique et nous donne le sourire sans que l'on puisse lui résister un seul instant. ». Je me permets de me citer car c'est encore et toujours le principal charme de Personal Record. Ceci dit, au-delà de la performance vocale, il faut encore insister sur les chansons en elles-mêmes. Tristes ou gaies, rêveuses (merveilleux Echo or Encore) ou rieuses, elles réservent de petites surprises, un instrument imprévu ici (la guitare électrique de You'll Never Know Me), une rupture de ton là. Sans parler d'une conclusion absolument parfaite avec Singing Time. L'album tout entier est à l'image de ce morceau final, il semble anticiper nos désirs et parvenir à les satisfaire à chaque minute. Retour en force sur le devant de la scène pour Eleanor Friedberger et la confirmation d'une carrière solo désormais impossible à négliger. C'est aussi le plus sérieux candidat au disque de l'été 2013, celui qui accompagnera ou remplacera le soleil à tout instant.
Ed-Wood
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le 21 juin 2013

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