Le retour de Shaun Ryder

Shaun Ryder est un survivant. Dans tous les sens du terme. Survivant du rock (il a réussi à faire perdurer sa carrière avec succès malgré l’effondrement du Baggy / Madchester) et surtout, survivant de la drogue. Il fut une époque où le gros Shaun était une pharmacie ambulance tant son métabolisme était saturé de stupéfiants. Qu’il soit encore en vie et en relative bonne santé tient du miracle médical. Même si les traces de ses excès passées sont désormais visibles sur son visage.
S’il a changé physiquement depuis le clip de « Step On », intérieurement, il demeure ce gai-luron capable de faire danser des foules tout en chantant des absurdités. C’est pour cette raison qu’un disque de sa part est toujours un événement.

Une décennie après le dernier Happy Mondays, sa majesté des shootés réactive le projet qui lui a sauvé la vie et permis de continuer à se rouler dans les biftons en pleine ère britpop : Black Grape. A la différence que ce retour se fait en effectif réduit cette fois-ci. Bez, le célèbre danseur de maracas jaunes, brillant par son absence. Seul Paul Leveridge (mieux connu sous le sobriquet de Kermit) répond présent. Une écriture à quatre mains qui se fait également sous la supervision du bassiste de Killing Joke, Youth, décidément partout quand il s’agit de production.

En dépit de cette pochette potache bien dans l’esprit de It's Great When You're Straight...Yeah! (il y a même un pénis dessiné dessus... Ou alors j’ai l’esprit mal tourné), le duo ne sonne pas comme lors de ses années de gloire. Le son étant moins chargé en samples en tout genre. Ce qui donne une musique simplifiée se concentrant sur le groove et ces refrains débilo-accrocheurs qui ont souvent fait le sel de ces rigolos. S’agit-il d’un problème ? Oui et non. Quand le songwriting atteint des sommets, c’est toujours un plaisir de faire danser vos amis sur ce dance rock fédérateur. Il n’y a qu’à écouter « Nine Lives » et ses cuivres pétaradants ! Surtout que ses paroles ont tout l’air d’être autobiographiques. Car si Ryder n’a pas l’élégance d’un félin, son ancien train de vie aurait pu le tuer plus d’une fois !
Néanmoins, le top du disque reste « Money Burns ». Une merveille smooth dans la lignée du sublime « Big Day in the North ». Croyez-moi, un vieux groupe de nouveau apte à composer un titre aussi envoûtant, ce n’est pas courant.

Le reste ? Quel reste ? Bon d’accord, il y a du très bon sur « Set the Grass on Fire » et « Whiskey, Wine and Ham » dont les aspects soul, disco et funk sont appréciables. Le morceau titre amuse avec ses chœurs zinzins, « I Wanna Be Like You » joue la carte de l’hymne dance rock en toute coolitude et le trip hop « Young and Dumb » s’avère une conclusion adéquate pour s’effondrer sur son canapé après une dure journée. Non je n’en ferais pas une ode à la fumette pour préserver mes jeunes lecteurs. Enfin, y en a-t-il réellement qui connaissent, ne serait-ce que de nom, Black Grape ?

Parce que tout l’inconvénient de Pop Voodoo est là. A part des vieux croutons ayant vécu cette période en direct ou des obsédés des années 1990 tel que bibi, à qui s’adresse cette sortie ? Cela n’en fait pas un mauvais album. Seulement une sympathique œuvre de niche possédant deux chansons ahurissantes et un groove irrésistible qui en fait un skeud parfait pour l’été.

Alors, si vous habitez dans l’hémisphère sud et que la chaleur n’a pas encore disparu, foncez l’écouter. Mais si vous ne connaissez pas le mythique It's Great…, n’oubliez pas de revoir vos priorités avant.

Chronique consultable sur Forces Parallèles.