Partie 1 ici : https://www.senscritique.com/album/Exit/critique/85126007
Partie 3 ici : https://www.senscritique.com/livre/Le_Travail_du_Furet/critique/184146190
2/La musique était vraiment belle, Simon ne regrettait vraiment pas son achat. Il se sentait apaisé, comme transcendé par les sons qui s’échappaient des enceintes. Puis petit à petit il lui sembla percevoir une voix en arrière, une litanie qui s’accordait à merveille avec les instruments électroniques. C’est à ce moment qu’il commença à discerner une brume violette, c’était tellement étrange et effrayant qu’il aurait du fuir mais pris par une sorte de fascination il resta immobile. Parfois il lui semblait apercevoir des yeux perçants qui le fixaient. Il voulut alors faire un geste de la main pour dissiper la fumée, se lever pour arrêter le tourne disques mais son corps semblait inerte comme endormi, incapable d’obéir à ses commandements. Pourtant il lui semblait bien être conscient. Les yeux grands ouverts il constata que le plafond se rapprochait, alors il voulut hurler mais sa bouche ne s’ouvrit pas et aucun son ne franchit la barrière de ses dents. Simon flottait dans une tranquillité insupportable au cœur d’un nuage épais. Au loin il percevait une musique inquiétante et surtout une voix squelettique qui s’imposait à ses neurones suppliants martelant une sorte de chanson horrible faite de sons incompréhensibles et de rythmes inconnus. La voix s’insinuait en lui et comme l’eau attaque le rocher elle usait son pouvoir, sa volonté. Simon se rendit compte qu’il était en train de subir un viol. Il sentait des crochets, grappins de l’esprit qui mordaient dans son essence avec force. Une agression sans pareille de toute son âme. Il n’était pas du tout préparé et la force de vie qui l’animait vacillait.
Un viol c’est la lutte inégale d’un être malsain, tordu et déformé qui tente par tous les moyens à sa disposition de plier une volonté à la sienne. Une incursion sur un terrain gardé, protégé, paraissant inaccessible, verrouillé. L’attaque peut être frontale, brutale, corps contre corps, souffle contre souffle, bestialité libérée, brutalité coercitive. Les bras tirent, les jambes poussent, des coups tombent s’il y a résistance. Apreté d’une violence qui déchire, d’une saleté qui se manifeste sans vergogne. Aucun contrôle par le vil dont les pulsions dirigent, guident, annihile le mur qui se dresse en face de lui. Par à coups il casse les briques, s’attaque aux fondations et brise la construction qui s’oppose. Puis quand l’être pris en défaut de faiblesse baisse sa garde, quand il entrevoit l’ineffable inévitable alors la bête se repait avec une délectation malsaine. C’est comme une tempête qui s’abat sur quelqu’un qui ne s’y attendait pas, un déchainement de fureur. Nulle part où se cacher, s’abriter un moment en attendant que l’orage passe, que la colère s’apaise. Le tonnerre gronde, un vent terrible renverse tous les obstacles pendant que les éclairs balaient un ciel tout noir et s’abattent avec fracas. Un viol cela peut aussi être insidieux. Utilisation de pouvoirs divers mais aussi duperie, traîtrise et très souvent un chantage appuyé sur le levier puissant de l’argent, mise en esclavage d’autrui dans une fulgurance ou sur plusieurs jours voire des années. C’est terrible un carnage qui laisse des traces, des êtres brisés, sans substance, vaincus avec une boule de dégoût monstrueuse dans le ventre. Simon sentait tout cela à la fois. Il était investi, fouillé, fouaillé et gagné par une peur sans nom, qu’il n’aurait osé imaginer lui le jeune homme adorateur de littérature fantastique. Combien de fois avait-il vibré au cours de ses lectures, frissonné de plaisir en imaginant cette peur qui imprégnait les livres de ses auteurs favoris. Il découvrait maintenant l’écart entre le fantasme et la réalité et se sentait totalement démuni. Une lutte s’était engagée un esprit forçait son esprit et il n’y pouvait rien.
En revanche bien qu’il se sentit dissous il voyait dans toutes les directions. Ce qu’il aperçut alors le glaça d’effroi. Dans la pièce où il était allongé, il vit par intermittences un corps sur un lit. C’était lui, lui-même avec une expression de peur hideuse sur le visage. Il se voyait apeuré, les traits déformés par une grimace sans pareille. Il était perdu et surtout incapable de réagir. Petit à petit une main invisible se mit en devoir à travers la fumée de gommer les meubles, les murs et le lit où il reposait. Il disparut alors sous ses propres yeux. Enfin la brume se liquéfia et il ne resta plus que l’espace pointillé d’étoiles, l’espace, l'étincelle de vie de Simon et deux yeux immenses qui la regardaient avec intensité.