Je pense qu’il ne faut pas plus d’une minute pour se rendre compte du palier que Yo La Tengo franchit avec ce disque. Une minute correspondant à son introduction, « Barnaby, Hardly Working ». Écoutez donc ce rythme de batterie concis et efficace. La voix détendue d’Ira Kaplan et surtout, ce riff. Cet accord de guitare accrocheur, inoubliable et évoquant une BO d’un western.


Cette fois-ci, c’est la bonne.


En développant une atmosphère, le groupe parvient à trouver définitivement sa voie. Ce petit truc qui lui manquait pour peser dans les débuts du rock indépendant. Une ambiance teintée de mystère et évoquant ces grands espaces Américains, qu’ils soient urbains ou campagnards, auxquels ils sont tant attachés.
Et ne serait-ce pas Georgia Hubley que l’on entend dans les chœurs de « Alyda » ? Une voix douce et lasse qui laisse déjà deviner son importance dans le futur.


En dehors de ces quelques nouveautés, President Yo La Tengo est presque un New Wave Hot Dogs bis… Mais avec plus de maîtrise et de meilleures compositions.
Il y a le premier morceau, bien entendu. Mais aussi une très bonne reprise de Antietam (« Orange Song ») et le folk merveilleux « Alyda ». Il y a également cette idée de reprendre « The Evil That Men Do » (de leur premier album) en deux versions différentes. Celle de Craig dévoile de nouveau cette envie de faire rêver sur une musique climatique. Un joli instrumental aux accents lounge. Puis il y a la version de Pablo. Plus fidèle à l’original mais aussi plus extrême ! On assiste à un déchaînement électrique d’une violence inouïe. La guitare de Kaplan crache des copeaux de metal tout au long de ces dix minutes.
Même si « I Threw It All Away » est, aisément, le titre le moins bon du lot (fallait-il s’attendre à quelque chose de la part d’une reprise de Bob Dylan dans sa période country ?), elle a au moins le mérite de nous laisser souffler après l’intensité bruyante de ce mal que font les hommes.


Érudit mais humble. Amateur mais malin. Yo La Tengo a cette qualité de vouloir faire du neuf avec du vieux sans pour autant paraître réac et passéiste. President Yo La Tengo n’est, certes, qu’une sortie sympathique, que ce soit à l’échelle de leur carrière ou dans l’absolu. Néanmoins, il convient de rappeler que c’est à partir d’ici que le groupe s’affirme. Les critiques ne s’y trompent pas en la saluant malgré ses ventes médiocres.


On passera donc sur ce titre mensonger. L’accession à la place suprême du rock indépendant est encore loin. Toutefois, ce petit candidat ne manque pas de ressources (sa marge de progression depuis ses débuts se vérifie facilement) et d’une envie de surprendre. L’avenir confirmera amplement ce potentiel tant le recueil des voix sera important.


Chronique consultable sur Forces Parallèles.

Seijitsu
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le 9 oct. 2017

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