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Queensrÿche
6.1
Queensrÿche

Album de Queensrÿche (2013)

Depuis une décennie j'avais perdu tout espoir de voir à nouveau Queensrÿche faire de la grande musique. Même là où il n'était pas franchement en forme (comme sur Hear in the Now Frontier ou Q2K), QR demeurait capable de défier ses fans en rafraîchissant à chaque fois leur son sans céder aux sirènes de ceux qui les auraient bien vus refaire les mêmes albums à l'infini. La sortie de Mindcrime II était par conséquent à mes yeux le signe définitif de l'essoufflement créatif d'un groupe ayant atteint le point de non-retour.
La suite m'avait donné raison : depuis 2006, ce fut une lente descente dans l'abîme avec des albums dépourvus de la moindre inspiration qui ressemblaient plus à des instruments de propagande qu'à de l'art. L'amertume m'avait enfin poussé à me désintéresser de ce qui fut mon groupe chéri et qui était bien parti pour rejoindre Dream Theater et Pain of Salvation dans l'enfer des métalleux-progueux déchus.
A tel point que je n'était pas au courant qu'en 2013 QR s'était divisé en deux, avec Geoff Tate d'un côté et les membres restants de l'autre, tous les deux ayant conservé le nom original et ayant publié un nouvel album.
L'idée d'un Queensrÿche sans Geoff Tate était pour moi inconcevable. Dans mon idée c'était comme Primus sans Les Claypool ou Joy Division sans Ian Curtis.

Après l'écoute du nouvel album homonyme, force est de constater que j'avais tort. Ou du moins en partie.
Car Todd La Torre, si ce n'est pas Tate, il n'en est pas très loin. Pour tout dire, il est quasiment impossible de distinguer son chant de celui du feu chanteur de QR. MEME style, MEME timbre, mais avec cet avantage non anodin qu'il ressemble au Tate d'il y a 15 voire 30 ans et pas à celui d'aujourd'hui. Le groupe se paie même le luxe de mettre dans le disque bonus des versions live de chansons tirées des tout premiers opus (Queen of the Reich, En Force et Prophecy) - pour signifier la renaissance du groupe, certes, mais aussi pour afficher la puissance vocale retrouvée avec La Torre.
Piquer le chanteur d'un clone de 'Rÿche comme Crimson Glory a été une affaire plus qu'excellente : cela a permis de conserver la marque de fabrique et de libérer en même temps des énergies créatrices longtemps assoupie. Parce que l'écoute de l'album de 2013 rend manifeste que le vrai blocus à l'invention venait de Tate lui-même et de son attitude monomaniaque. "Queensrÿche" est pour le groupe ce que "The Division Bell" était à Pink Floyd, à savoir le lieu d'une renaissance après des années de tyrannie d'un leader absorbé par sa personne.

Les morceaux frétillent de vie, ils sont envoyés dans ta gueule de manière condensée sans le moindre moment de divagation, comme quand on a beaucoup de choses à dire mais sans beaucoup de temps à sa disposition. Tout est rempli de riffs virevoltants, d'orchestrations grandiloquentes, de timbres industriels et quasi apocalyptiques qui ne laissent point de moment de répit à tes oreilles. On peut donc aisément leur pardonner la présence de deux non-morceaux - l'intro X2 et l'interlude Midnight Lullaby - puisqu'ils permettent de reprendre un peu son souffle. Le sombre et explosif Spore ou le mélodique et hypnotique In This Light sont sans aucun doute les meilleurs produits signés Queensrÿche depuis le gigantesque "Promised Land". Les musiciens excellent aussi bien dans les épreuves les plus agressives (Vindication ou Don't Look Back) que dans le lento comme l'épique A World Without et l'immanquable ballad de conclusion Open Road qui ressemble un peu à Doin' Fine dans "Tribe".
Là où l'opus de 2003 était globalement solaire, celui de 2013 montre un visage profondément morne et violent : à l'instar des derniers disques les images de guerre et de survie se multiplient, mais aussi celles de révolte - le mot "revolution" est répété dans 3 chansons. Le début de Don't Look Back montre que la charge de critique sociale n'est pas partie avec Tate - "the ignorance of youth, the pawns of corporate greed / the raping of our mother earth, no planting of a seed / a revolution on the brink, distracted masses writhe..." - et atteint même des niveaux de clarté qu'on n'avait plus entendus depuis longtemps. Exemple les mots prononcés par la voix hors-champ dans Redemption : "Mass regimentation, a phenomenon of industrialization / reaction against control striving to attain a common goal".
S'il faut vraiment chercher des défauts à l'album, l'ordre des pistes auraient pu être rendu un peu plus homogène parce qu'après les trois grosses claques de départ que sont Where Dreams Go to Die, Spore et In This Light il faut attendre 4 morceaux avant de recevoir la prochaine avec A World Without - bien entendu, les autres ne sont pas mauvais, mais ils n'ont pas la même sublime intensité que ceux-ci. L'album semble aussi un chouïa court, mais ce n'est pas grave, ça veut dire qu'on le réécoutera davantage. Et après tout, 30min concentrées de bonne qualité en valent 80 de qualité "mouais".

"Queensrÿche" efface d'un coup 10 ans d'égarements et remet les pendules de QR à l'heure. Voici l'album que la Reine du Reich aurait dû écrire en 2013 ; et elle l'a fait.

THE RŸCHE IS BACK !
ReveLunaire
8
Écrit par

Créée

le 17 mai 2014

Critique lue 372 fois

3 j'aime

Rêve Lunaire

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