Radios Appear
7.7
Radios Appear

Album de Radio Birdman (1977)

J’ai évoqué dans un précédent article « Burn my eye » le premier enregistrement quatre titres des australiens de Radio Birdman.

L’année suivante, en 1977 donc, sort « Radios appear » l’album qui débute, comme je l’avais signalé, improbable coup de folie, fulgurant coup de poker, par « TV eye » la reprise plus qu’osée des Stooges.

Commencer par « TV eye » situe d’emblée le « positionnement » et l’état d’esprit du groupe, qui met, comme on dit, d’entrée les points sur les i.

Et comme la reprise est des plus réussies et qu’une énergie quasi bestiale et brutale s’en dégage, Radio Birdman peut ensuite dérouler presque tranquillement le reste de l’album.

« Burn my eye » et « Radios appear » sont dans le même registre musical mais le timing est sans doute meilleur tant 1977, davantage qu’en 1976, est réellement l’année où éclate et se propage une rébellion musicale aux quatre coins de la planète rock. Plus personne ne peut plus ignorer la révolte punk même si encore une fois la formation australienne se situe à sa marge (un peu comme pouvait l’être dans un registre différent Television le groupe New Yorkais souvent assimilé à la vague punk US alors qu’il est évident que la tonalité musicale est plus subtile et raffinée qu’une formation comme Ramones par exemple).

En effet avec le recul situer Radio Birdman dans la sphère punk rock est une erreur, une classification trop réductrice même si l’énergie dégagée présente des similitudes et force la comparaison au moins avec les Clash ou Buzzcocks ; en réalité les australiens sont plutôt dans une filiation directe des Stooges (en plus clean, moins jusqu’au boutiste) et de Dr Feelgood, moins punk sans doute que leur collègues des Saints dont ils sont contemporains.

« Radios appear » sera d’ailleurs le seul véritable album que le groupe qui sortira pendant ses quatre années d’existence, « Burn my eye » étant un format maxi 45 tours et « Livin Eyes » quant à lui ne verra le jour qu’après leur séparation, à titre posthume pourrait t-on dire, en 1981.

« TV eye » dont j’ai déjà parlé plus haut est délibérément plus rapide que l’original et assomme d’entrée l’auditeur. « Murder city lights » se distingue par sa guitare très rock. « Anglo girl desire » est lui dans un registre plus mélodieux avec chœurs et solo guitare travaillé.

Ces trois morceaux représentent trois des différentes facettes musicales de Radio Birdman mais comme je l’ai déjà dit la formation australienne passe d’un style à l’autre avec une aisance déconcertante. Quelque soit le registre des morceaux dans lequel le groupe évolue : punk rock , boogie rock ou dans dans un genre davantage rock classieux, Radio Birdman paraît toujours à son aise, dans son élément. Avec toujours de l’énergie à revendre bien sûr mais aussi le sens de la mélodie et du refrain. Par exemple « Man with golden helmet » est au départ presque une ballade à l’intro très Doors (d’ailleurs Rob Younger le chanteur a sur scène quelque chose de Jim Morrison) un peu bluesy avec piano. Le reste s’emballe et rappelle parfois le Blue Oyster Cult des débuts et c’est vrai d’ailleurs pour d’autres passages de l’album notamment en ce qui concerne certaines parties de guitare.

Idem d’ailleurs pour « Love kills » dans le même registre.

Le blues boogie rock speedé est également très présent notamment dans l’intro de « Monday Morning gunk ». Quant à « Do the pop » et « New race » ils s’inscrivent davantage dans le registre punk rock typique de 1977. Enfin « Hand of law » peut être défini comme l’archétype du morceau de la formation australienne.

Pas totalement blues rock, pas réellement punk, pas vraiment hard rock, pas tout à fait rock’n’roll mais une sorte de mélange de tout ça qu’on retrouvera plus tard chez de nombreuses formations des années 80 et 90 dont le dénominateur commun reste une attitude et un esprit rock. Et on peut d’ailleurs remarquer avec un certain plaisir que Radio Birdman a inspiré et influencé quantité de groupes et notamment français dont certains ne manquent jamais une occasion de clamer haut et fort leur admiration pour les rockers australiens. Parmi eux les Thugs évidemment mais aussi Dirty Hands, Skippies, Scuba Drivers et bien sûr les havrais de Fixed up pour n’en citer que quelques uns…

Il manque juste peut-être sur Radios appear des morceaux de la qualité de « Smith and Wesson » blues ou « I-94 » qui figuraient sur « Burn my eye » et qui font désormais figure de standards.

Punk ou pas ce « Radios appear » n’en demeure pas moins un incontournable de 1977 avec un seul fil conducteur : le rock, le vrai. Car le rock de Radio Birdman c’est avant tout un état d’esprit, une attitude qu’on retrouve de moins en moins à une époque où désormais tout est catalogué rock et où ce terme est mis à toutes les sauces jusqu’à en être galvaudé. Le rock de Radio Birdman c’est un coup de balai au conformisme mais si le rock se joue fort il ne s’agit nullement d’un concours pour faire un maximum de bruit ou de produire le plus de décibels. Ici le rock conjugue énergie et mélodie et représente presque un âge d’or en reprenant le meilleur des années 60 avec le meilleur des années 70.

C’est ce qui fait le charme et la grande force des australiens et les place ainsi parmi les groupes majeurs de l’histoire du rock même si leur notoriété n’a jamais été à la hauteur de leur importance. Quatre ou cinq années d’existence seulement auront suffit à Radio Birdman pour marquer les seventies, prouvant ainsi qu’une longue carrière n’est pas indispensable pour rentrer dans la légende. Après avoir pris brièvement le nom de New Rats, sorte de super groupe avec Ron Asheton des Stooges et Dennis Thompson des MC5 le groupe splittera puis on retrouvera ensuite Rob Younger dans The New Christs, alors que Radio Birdman fera occasionnellement quelques brèves reformations mais cela est une autre histoire.

Pour conclure dans un registre un peu plus plus large, il ne faut pas oublier comme c’est très souvent le cas, que l’Australie, situé au bout du monde avec son immense superficie mais tout petit pays par son nombre d’habitants, a produit quelques groupes importants dans l’histoire du rock (citons les Easybeats, AC/DC, Rose Tatoo, Midnight oil, Nick Cave, The Saints et encore King Gizzard and the Lizard Wizard) et qu’il est loin d’être une quantité négligeable. Même si ces groupes peuvent paraître relativement différents ils ont malgré tout une sorte d’ADN rock commun, particulier, que l’on retrouve dans l’esprit ou dans le son, comme une marque de fabrique locale.

Mais peut-être que si Radio Birdman avaient été anglais ou américains auraient ils eu une toute autre carrière ? On ne le saura jamais !


NEW RACE :

https://www.youtube.com/watch?v=395HZ7FiWcw

MAN WITH GOLDEN HELMET :

https://www.youtube.com/watch?v=GgZb6TZDNnM

TV EYE :

https://www.youtube.com/watch?v=ju-jMjrI-Es

ma chronique de Burn my eye leur premier EP quatre titres:

https://www.senscritique.com/album/Burn_My_Eye_EP_EP/critique/241691991

la chronique de Radios appear est initialement parue sur le webzine Rock Alive

https://lennon62.wordpress.com/2022/07/28/radio-birdman-radios-appear-1977/

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le 1 août 2022

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