Rehab Doll
6.3
Rehab Doll

Album de Green River (1988)

Les premiers seront les derniers...

Si vous croyez que le gars qui a inventé l’avion est meilleur que celui qui est parvenu à le faire voler, c’est que vous êtes un foutu historien incapable de faire preuve de bon sens.
Il n’y a pas besoin de tourner autour du pot pendant dix ans. Les avancées dans l’Art sont importantes, mais ça n’empêche pas que tout ce qui est nouveau n’est pas forcément bon. Par conséquent, un précurseur peut-être rendu caduque par des formations plus jeunes. Cela se produit même plus souvent qu’on ne le croit.


Qu’y a-t-il de mieux que ce skeud de Green River pour illustrer au mieux mon propos ? Parce qu’il s’agit du groupe qu’on peut, raisonnablement, considérer comme le tout premier d’un genre (leurs deux premiers EPs étant parus, respectivement, en 1985 et 1987) : le grunge.


Ce qu’il faut savoir, c’est qu’une partie des graines de ce style sont, effectivement, en gestation chez cette bande. Musicalement déjà, avec ce mélange entre hardcore, garage et hard rock des 70s. Mais également avec ses membres. Puisqu’on y trouve 40% des futurs Pearl Jam (Stone Gossard et Jeff Ament), 60% des pas encore formés Mother Love Bone (rajoutez Bruce Fairweather aux deux précités) et 40% de Mudhoney (le chanteur Mark Arm et le guitariste Steve Turner, qui ne joue pas sur cet album). Je passe sur le pourcentage du line up de Temple of the Dog parce que je n’aime pas les maths.


Après avoir fait le décompte des forces en présence, il est temps de rendre compte de leur efficacité sur le terrain et ce n’est pas beau à entendre. La musique sur leurs premiers EPs n’est pas dénuée d’une énergie et d’une spontanéité punk. Cependant, elle est brouillonne. Très brouillonne. Produite décemment (c’est-à-dire avec les moyens du bord tout en étant audible) mais handicapée par une écriture impotente. Si cette mixture entre hard plombé et punk rock est bel et bien du jamais entendue, on se demande où sont les compositions.


Rehab Doll arrive néanmoins quelques années après ces œuvres de jeunesse afin de signer, selon toute vraisemblance, une version plus aboutie de ce que ces joyeux drilles faisaient.


TOUT FAUX.


Avec son titre à la noix (mais parfaitement représentatif de l’esprit pince sans rire du grunge, Kurt Cobain devait être fan), ce disque est aussi profond que cette activité consistant à poser sa pèche sur le trône. Oui, c’est bien une métaphore sur le caca car ce machin, c’est de la merde. Ou plus précisément, il s’agit de ce que le punk (au sens large) est capable de pire. C’est-à-dire, une musique axant tout sur l’énergie au détriment des morceaux.
Même si on sent que les musiciens sont compétents (le solo de gratte barge de « Forever Means » est très bon) et que Mark Arm est convaincant à son poste d’hurleur éthylique, les titres sont oubliables car anodins. Au point que parler de songwriting au sujet de Green River serait faire preuve de laxisme. Seul « Swallow My Pride » et son riff surnagent dans cette succession de plages rock and roll plus ou moins rapides.


Après, je ne dis pas que cette sortie est désagréable à écouter entre potes avec quelques bières au fond du vieux garage de Papa et Maman. Les groupes amateurs s’amusant à foutre le bordel sur scène parce qu’ils sont incapables d’écrire des chansons, ça peut avoir son charme (on appelle ça la fête de la musique par chez nous).
Toutefois, les faits sont là. Green River ne fut qu’un électrochoc pour une jeunesse avide de rock et de sensations fortes. Des Sex Pistols pour la région de Washington (encore qu’ils aient réussi à composer deux tubes, eux !). Et reprendre un titre de Bowie (« Queen Bitch ») n’était clairement pas fait pour ces rigolos ! Il valait mieux qu'ils laissent Cobain s’en charger.


Alors si on aime le garage punk et le grunge, on se réécoute Superfuzz Bigmuff et les premiers singles de Mudhoney (ou Nirvana si on apprécie surtout la power pop). Rehab Doll, on le laisse aux spécialistes et aux archéologues qui seront bien les seuls à trouver un intérêt à cette relique que personne ne connaît. A raison.


Chronique consultable sur Forces Parallèles.

Seijitsu
2
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le 14 oct. 2017

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