Repetition
7.9
Repetition

Album de Unwound (1996)

Chacune des sorties d’Unwound marquait une étape dans leur son. De leurs débuts brutaux à une sombre dépression atteignant son paroxysme sur The Future of What, cette bande a évolué en seulement quelques années. Repetition semble indiquer, rien qu’avec son intitulé, qu’une stagnation est toute proche. Ça serait oublier que le trio d’Olympa est fait de petits malins : comme ce fut le cas des Beatles, ils décident de s’enfermer en studio pour concocter leur prochain disque. De ces sessions, résultent une œuvre au son léché et une musique plus réfléchie.


Le premier a bénéficié de cette production aux petits oignons, c’est bien entendu le bassiste Vern Rumsey. Alors au sommet de son inspiration, le bonhomme tisse des lignes de basses caoutchouteuses que n’aurait pas renié un certain Jah Wobble. A ce sujet, cet album se place directement dans la lignée des sommets du post-punk. Cette musique punk car spontanée, mais également aventureuse. Ce skeud étant jonché d’expérimentations diverses. Du dub à la limite du post-rock (« Sensible »), du shoegaze (« Lady Elect »), du rock bruitiste psychédélique (« Fingernails on a Chalkboard »), un instrumental délirant (« Go to Dallas and Take a Left ») ou encore du post-punk à la Gang of Four (« Lowest Common Denominator ») soufflant le chaud et le froid avec son groove entêtant ainsi qu’un mur de dissonances à faire hurler vos voisins.


En vérité, cette cinquième offrande d’Unwound est le Metal Box des années 1990 mais avec une différence de taille : il est réellement génial puisque ne contenant presque pas de remplissage (« Devoid » étant la seule piste qu’on pourrait virer). Le studio dans lequel il fut enregistré en devient le quatrième membre du groupe tant son importance est cruciale. Soyons direct, les compositions sont déjà magistrales à la base. Néanmoins, c’est bien la manière de les enregistrer qui les rend uniques en leur genre. Car pendant que Fugazi renouvelle son attirail hardcore sur son Red Medicine, le gang de Justin Trosper, lui, va une nouvelle fois plus loin.
Une telle importance du studio était déjà en soi une hérésie pour les punks les plus orthodoxes tant la spontanéité demeure le cheval de bataille du style à leurs yeux. Cependant, ça serait oublier un détail important : le punk se moque des conventions. C’est sa raison d’être et c’est pour cette raison que Repetition s’ancre totalement dans cette démarche visant à exploser les codes. Et si la formation perd en puissance destructrice pour les oreilles les plus impatientes (quoique, « Murder Movies » fout la pâtée à beaucoup de monde en moins de deux minutes), elle gagne une profondeur que peu de coreux à crête ont approché. En plus, sans qu’il soit fait la moindre concession à une technique outrancière qui a souvent raison de toutes les musiques.


Tout mon discours peut être résumé en deux morceaux, le premier et le dernier. « Message Received » renferme en lui une rage sourde ne pouvant pas laisser indifférent. Quant à « For Your Entertainment », il balance une ligne de basse d’une classe folle. L’instrument de Rumsey et la guitare de Trosper s’allient pour donner naissance à une ambiance tragique très éloignée de la mélancolie de la scène émo de la même période. Une conclusion parfaite pour cette sortie que je classe, sans hésitation, aux côtés de Machine Gun Etiquette des Damned, Zen Arcade de Hüsker Dü et The Shape of Punk to Come de Refused. C’est-à-dire ces œuvres qui ont permis au punk de s’émanciper afin de ne pas être seulement rebelle, mais aussi libre de toute entrave. Loin de la forme étriquée qu’il pouvait avoir lors de ses premiers pas.


Chronique consultable sur Forces Parallèles.

Seijitsu
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le 7 janv. 2018

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