Les prénoms se rapprochent, s’incarnent. “Deux arbres tourmentés”. C’est dans l’amertume que brûle la naissance d’OFX. Un album précieux, fragile: devoir exalter un discours à trois voix quand pour le porter, il ne reste plus que deux vies. L’abandon comme point de départ. Abandon momentané du Saian Supa Crew comme volonté d’une promesse: “Roots”. Abandon de la France, qui vu comme une mère, est celle qui rejette ses enfants: “Bien qu’adopté/Elle m’a avorté”; elle les renvoie à une histoire (d’Afrique) qui n’a pas lieu de leur appartenir sitôt, car c’est une histoire originaire enfouie, difficile: Mon histoire “Comptine de mon passé/Afin de me rappeler mon nom/Le nombre d’années défile/Et avec elle/Moins en moins de reflets fidèles”
Les mots agonisent quand la difficulté d’une histoire côtoie l’aberration du présent. Le regard se pose sur la condition féminine: Lady “Cette pute est ta soeur/Cette pute, elle a mal/Son malheur tombé sur un mâle/Qui n’en a pas l’âme/Qui la malmène”, ou sur la jeunesse: Jeunes Loups “Fiers, sauvages, devant tout, surtout devant un vagin/ à l’esprit vengeur/ attaquent en plein jour/ voici les hurlements d’un jeune loup”
Les corps sont malades: Ailleurs “Trop tard pour vivre”, la vérité se fait douloureuse: Berceau “Plus tu en sais/ Plus c’est l’enfer”, la morale prend le pas malgré soi: “Les mots efforce-toi de les choisir”. Bouleversant
Rien ne soulage que l’hystérie
Les morceaux se perdent dans la richesse des détails, l’inventivité minutieuse des titres comme “Je rap” ou “Lagos” renvoient aux compositions de RZA, les structures rythmiques d’un “Je viens” entreprennent les choses, là où Anti-Pop Consortium aurait pu les reprendre
Les influences d’OFX servent aussi à mettre en chantier la plus belle des irrévérences ludiques: “Les Soeurs J” côtoient le cultissime “Jenifa taught me (Derwin’s revenge)” de De La Soul; ou tel que l’a fait Mos Def avec son Rock’n'Roll, ici OFX déclenche en compagnie de M un “Black Rock” revendiquant un rap “partiel, passionné et politique, c’est-à-dire fait dans un point de vue qui ouvre le plus d’horizons”
“Roots”. Réminiscences d’un mot qui porte en lui la volonté d’un groupe d’appartenir à l’histoire de l’art
“Roots”. Le devoir d’Histoire sur soi, qui de la naissance intellectuelle à la mort physique doit s’édifier.