SPLEEN
6.1
SPLEEN

Album de Antha (2019)

Au fond du ruisseau, tu verras j'ai une chaine en or

Ses robes de feu ont ce qu'il faut de douleur pour m'envoyer croquer la nuit avec entrain; en quelques titres et une pochette touchante, elle a transformé ma vie en un lac frais et brumeux, une étendue d'eau empoisonnée dans laquelle je plonge avec délice. J'ai plus d'appréhension parce que je ne suis plus vraiment là, et n'ai plus de raison d'être [---] Mi-kitch mi-émo, elle dégoupille ses couplets grenades avec un flegme frénétique bouillant, sa perception du monde est immédiate, son Spleen exhale toutes les odeurs -- et à ses pieds je veux bien choir, la gueule en vrac, cajolée par un esprit affuté dont les contours illuminent ce qu'il nous reste à tous... Sans m'en rendre compte, je suis tombée amoureuse de la voix d'une Ombre qui fait cavalier seul; elle ne cache ni ne cherche à cacher sa raison d'être, consciente que le combat est perdu d'avance... Pourtant, la voilà qui tranche le marécage dans lequel végètent ses congénères, passant régulièrement ses mains de nacre sur la crosse du revolver logé à sa ceinture. À mesure qu'on avance dans l'album, sa cohérence prend à la gorge. Sa voix nous chuchote qu'on ne tiendra pas le voyage mais les instrus nous clament le contraire : par à-coups crépitants, les poings brandis contre la peau tendue de la Nuit, l'ultime flirt avant la fin du monde prend forme et crache sa douleur à la face blanche de la Lune. Mes enceintes ont les courbes moites d'une âme en transe, y'a plus rien à régurgiter, ni rien à espérer, simplement quelques mélodies implacables à cueillir, une longue nuit à embrasser de tout son être et l'Amour à snober, les lèvres ouvertes aux bouches vermeilles.
Lolita, réincarnation délurée d'une Ophélie magnétique, a l'instinct rieur des songes dans lesquels on a pour habitude de se réfugier - pourtant, elle se sent mieux sans toi, d'une justesse éclatante lorsque tu n'es plus, et, prenant son courage à deux mains, elle te le fait savoir. Banni du royaume des Illusions, tu traines ta carcasse fantôme dans les entrailles d'une ville que tu croyais connaître. Tu soutiens du bout des lèvres que tout ira mieux demain, les sirènes de police dissèquent tes espérances -- par amour ?


Tout finira par mourir à petit feu.

KiidCathedrale
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 17 déc. 2021

Critique lue 129 fois

3 j'aime

2 commentaires

KiidCathedrale

Écrit par

Critique lue 129 fois

3
2

Du même critique

Enfants terribles
KiidCathedrale
8

Remords d'une ombre

Les bras croisés sur son torse nappé de miel, un jeune garçon songe à la mort. Encerclé par des dizaines de mains cramponnées à des stylos, grattant lignes sur lignes avec fureur, il se sent comme un...

le 11 mai 2017

21 j'aime

1

Disco Elysium
KiidCathedrale
9

La solitude du buveur de plomb

Déjà, la ville prenait les tonalités rose-et-bleu du crépuscule - la nuit l'épiait, prête à lui sauter dessus, de toute sa force lunaire. Son pied heurta une bouteille vide, symbole d'une existence...

le 19 nov. 2019

12 j'aime

3

Snowpiercer - Le Transperceneige
KiidCathedrale
1

Train en plastoque

L'arche métallique dévore des kilomètres de rails aussi frénétiquement que les crasseux du dernier wagon leurs protéines gluantes. Sous la dent malicieuse d'un gamin joueur, une balle, évident...

le 4 janv. 2014

10 j'aime

4