Les années 2000 sont enfin terminées et je ne retiens que deux choses de cette décennie : le phénomène du revival des années 1980 (la bonne facette de cette époque, c’est-à-dire le post punk, la cold wave et le dance punk) et les grandes reformations en pagaille.
J’ai l’impression que cela va durer encore longtemps. Après les vieux groupe de rock en manque de reconnaissance (ou parce qu’ils ont des impôts à payer), c’est au tour des groupes oubliés (mais cultes dans les cercles de connaisseurs) de faire leur retour.
C’est parfait, puisque Seefeel est revenu dernièrement d'entre les morts. C’est le genre de groupe que personne ne connait, mais qui inspire le respect aux incollables des années 1990. Cette aura est justifiée, car c’est l’auteur du fabuleux Quique. Perle méconnue d’ambient techno shoegaze, un disque unique en son genre qui leur permettra d’être signé sur le label Warp. Une signature qui aura une incidence sur leur musique, car elle deviendra de moins en moins abordable et de plus en plus électronique.
Mis à part qu’ils sont toujours sur le label de Autechre et compagnie, il y a eu quelques changements puisque leur line up a été quelque peu chamboulé. Des membres d’origine, il ne reste plus que le guitariste Mark Clifford et Sarah Peacock, également guitariste mais aussi chanteuse. Ils se font épauler cette fois-ci par deux Japonais. DJ Scotch Egg, bien connu pour ses travaux noise et Lida Kazuhisa (alias E-Da), ancien batteur des frappadingues Boredoms, groupe de néo krautrock.
Leur musique s’est modernisée, avec une production puissante et limpide, qui met souvent en avant leurs lourdes lignes de basse. Dans le fond, on a tout de même l’impression d’avoir affaire à un subtil retour aux sources. On retrouve ce mélange entre IDM et dream pop qui avait fait la réussite de Quique. Mais l’arrivée de deux nouvelles têtes pensantes dans la formation à des conséquences sur leur mixture déjà originale à la base.
Le groupe est devenu plus déroutant et donc plus expérimental qu’auparavant. Il se permet des incartades bruitistes que l’on peut entendre sur un « Dead Guitars » d’anthologie et qui lance de très belle manière l’album. DJ Scotch Egg est sans doute responsable de ce nouvel intérêt pour les chemins sinueux de la musique bruitiste.
E-Da, quand à lui, utilise sa batterie comme une boite à rythme. Cette manière de jouer s’étend sur tout le groupe, Seefeel étant un groupe de rock jouant comme un combo de musique électronique. Les changements de rythmes sur un seul et même morceau sont donc très rares et c’est justement le point fort de ce disque.
La bande joue encore une fois sur ce qui a fait son succès : envoûter avec des boucles. La musique est donc répétitive et c’est normal, puisque c’est voulu. Cette décision étonnante pourrait lasser n’importe qui. Mais Seefeel est doué pour nous tenir en haleine avec des boucles accrocheuses et se permettent quelques variations pour ne pas nous perdre en route.
La voix susurrée de Sarah Peacock sert aussi de guide dans ces longues fresques où nous nous éloignons quelques fois dans l’abstraction pure, ce qui déroutera beaucoup de personnes aux premières écoutes. Ces épopées forestières, dont les gazouillis des machines nous évoquent les chants des oiseaux (« Rip-Run »), sont seulement interrompus par de petites plages servant de pauses, voir d’interludes.
C’est peut être la seule critique objective que je peux faire à propos de cet album, puisqu’elles sont beaucoup moins intéressantes que les morceaux et au mieux agréables. Elles sont heureusement courtes et ne le pénalisent pas trop.
C’est donc un très grand retour d’un groupe qui a su évoluer sans se trahir. Il hérite des enseignements de My Bloody Valentine, même si ce disque éponyme n’a plus grand-chose de shoegaze.
Boards of Canada ne sort plus d’albums ? Aucune importance, Seefeel reprend le flambeau et nous enferme dans une bulle coupée du monde comme l’avaient si bien fait les Écossais. Cela tombe bien, Clifford et ses ami(e)s les ont influencés et d’ailleurs, je ne vois qu’un come-back similaire et aussi réussi que celui-ci : le dernier album de Portishead.
Chronique consultable sur Forces Parallèles.