Voici le grand retour du maître après trois ans d'une absence inexpliquée. "Inexpliqué" est un pléonasme pour parler de Spark Master Tape, MC mystérieux, d'une cruauté gratuite, ayant développé un univers bien particulier qui fascine une partie de la toile. Je ne vais pas vous faire l'historique du phénomène, mais ce troisième album était plus qu'attendu par les fans. Il faut imaginer un tweet de Jésus-Christ qui dit "J'arrive, les gars" avant de lancer deux trois sons et un snapchat où il fume un gros blaze. Silhouette of a Sunkken City, c'était notre retour du messie, à nous.
Cet album tient-il ses promesses ? Et bien oui. D'une part parce qu'il n'avait pas promis grand chose de particulier, d'autre part parce qu'il est très bon. Les instrus sont toujours très lourdes, l'univers glauque et gangsta jusqu'à l'absurde est toujours bien présent, et le flow est maîtrisé et assez diversifié à travers les pistes. Les samples sont pertinents et introduisent un second degré assez délicieux ("Must die").
Après une intro en deux parties digne de "Charity" sur son précédent opus, qui annonce un programme épique, l'album s'ouvre sur "Tenkkeys" qui est définitivement ma piste préférée. L'instrumentale y est pour beaucoup, mais l'annonce du retour en grâce de Spark Master Tape d'entre les morts lui donne une puissance incomparable. Pas le temps de souffler avec "All About the Money", paradoxe de l'artiste n'ayant vendu aucun album, aucun produit dérivé, demeurant anonyme, qu'est Spark Master Tape. Le rap en prend pour son grade et c'est tant mieux.
L'album comportant 22 pistes, il m'est difficile de commenter chacune d'elles indépendamment. Les plus remarquables, hormis celles que j'ai déjà mentionnées, sont "Livin Lavish' ", sombre à souhait, avec un clip de toute beauté ; "Panama Papers", car malgré ses trois ans d'absence, Spark Master Tape parvient à nous lâcher un son qui concerne l'actualité d'une semaine avant la sortie de l'album ; "Reefa" pour une instrumentale superbe ; "Run em' Dry" parce qu'impossible de se retenir de tout casser dans la piaule en écoutant ce son. Toute la fin de l'album à partir de cette piste est assez impeccable, surtout "Swoup in the Whip" avec son sample de petite guitare funk, qui relève du génie.
Tout ceci termine sur une note épique, "We Shall Rise", et referme parfaitement la boucle de l'intro.
Et après avoir écouté l'album d'un bout à l'autre, on ne sait plus vraiment où on en est. Le seul reproche que je puisse faire à cet album est qu'il est composé de 22 pistes, ce qui est beaucoup, parmi lesquelles des pistes de moins de 2 minutes qui laissent un peu sur notre faim. Mais Spark fut généreux tout de même, avec près d'une heure d'écoute au total. Silhouette of a Sunkken City nous lâche dans un labyrinthe angoissant, où nos seuls repères sont les sirènes de police dans le lointain, les éclats de rire d'un génie du mal, et les gémissements pitchées de Spark Master Tape, qui vient, de temps à autre, nous mettre une énorme claque avec son micro. Le programme est respecté : l'album est un véritable monument englouti, émaillé de collages du passé et œil ouvert sur un futur post-apocalyptique où il ne reste du monde que des ruines au milieu du désert.
Qui est Spark Master Tape ? Nous n'en savons rien, et pour une bonne raison. Spark Master Tape vient du futur, il est le rappeur d'après la fin du monde. Spark Master Tape n'existe pas encore, il n'est pas encore né, mais du futur il nous envoie des sons mystérieux. Du futur, il nous envoie des archives vidéo. Du futur, il est en train de rire, fumant sur son canapé ; de rire en nous regardant, préparant une autre mixtape à envoyer vers le passé.
Tommorow We Die. Demain nous mourrons. Nous mourrons en écoutant les ruines futures de notre monde, bercés par les mots acides et sales de Spark Master Tape, incapables de résister à sa lucidité évidente.
Merci Spark, Platoon, Charlie, qui que vous soyez. You shall rise, brothers. You shall rise.