Un disque de jazz avec un titre d’album de gwo ka. Ça ne court pas les rues. Ça s’écoute tout seul, pas besoin d’initiation au jazz, East Coast, West Coast, Acid jazz, etc. Etc. Be-Bop…rien de tout ça. Un disque de gwo ka qui ressemble à un disque de jazz. Une sorte de mélange jazz-fusion &ka. Voilà l’originalité de la chose. Déjà le son de Schwarz-Bart, est une curiosité. Un sax qui sonne comme ça, bourré d’effets. Un peu vocodeur, synthé, pédale wah wah, je ne connais pas…
Alors osez l’originalité, de un, la maîtrise de votre instrument fétiche (toujours), sentez l’air du temps, et embauchez des artistes en vogue, soyez intergénérationnel : (Jacob F. Dévasrieux, Admiral T, Jean Pierre Coquerel, Henri Debs, une certaine Simone S.B). Trouver des musiciens qui savent tout jouer, et improvisez dessus, comme ça, ça va sonner, pop, variété, cool, mainstream, cadencé à l’antillaise. Variété ethnique moderne, pour instrument traditionnel. La tradition est respectée : Rytmes du ka, bouladjèl, répondè, ti bwa...
Soignez les compos, et jetez le batteur. Ouais ! Quand on a des tambouyés qui assurent aussi bien, c’est vrai qu’on n’a plus besoin de batteur. Dehors ! Les gars peuvent même nous faire le gwo ka en sourdine sur une ballade très sensuelle : LOVE. Le bien nommé.
Important : veillez à ne pas lasser l’auditeur par des solos intempestifs. Tout est question de gestion, et le gars semble savoir ce qu’il fait, c’est jamais trop long, ni trop court. Tellement bien fait que tout semble avoir été écrit.
Faîtes un peu de provoc, ça paye toujours : Déshabillé featuring Jacob F.D (toujours dans les bons coups. On devrait l’appeler, Jacob toujours dans les bons coups). Lâchez-vous sur une ballade instrumentale : Ascent. Bagarre ascensionnelle entre le sax et le Fender Rhodes. Qui va gagner ?
Essayer le mid-tempo, puis accélérez, si vous trouvez que ça ne va pas assez vite. Fusion. Drum & Bass. La virtuosité peut être ardue, ou agréable à écouter. C’est pensé pour que se soit agréable à écouter. Très agréable.
Gwoka, bel hommage à la tradition, sans peur, et sans reproche, et sans nostalgie aucune. Moderne sans se prétendre moderne, voilà le vrai moderne. Avec des machines. Le synthé grogne, pleure, gémit. C’est tout ça qui me fait classer cet album parmi les meilleures, sinon la meilleure expérience de fusion entre jazz et ka. Beaucoup ont essayés. Peu ont réussis à m’emballer, tellement ça sentait la transpiration. J’ai entendu du gwoka à toutes les sauces, pour moi c’est ici que ça fonctionne le mieux. Le piano sur Padjanbel est juste superbe ! Ce gars a la capacité de mélanger musique ancienne populaire (pour ne pas dire mizik à vié nèg), et musique savante populaire, (jazz, soul made in USA), sans que se soit insultant. On a presque envie de taper des mains pour accompagner les gars. Qu’est-ce qu’ils disent ? Gorée ?
Les arrangements ne cachent en rien leur savante complexité, mais c’est pour mieux nous faire danser. Et mon préféré, c’est le soul revival : Descent. Tout droit sorti de Spanish harlem, ou d’une jam session qui a mal tournée. Génial. Herbie Hancock doit adorer ce morceau. Et s’il ne le connaît pas, il faut lui offrir l’album comme cadeau d’anniversaire.
Alors il faudra aussi mettre un hymne ravageur avec la star du Dancehall local : Pé La. Avec le sax à voix humaine derrière. Et ça va passer à la radio, toutes les radios, et terminer par un message, avec toujours cette mystérieuse Simone S.B on the mic. Subtilité et richesse. Le gwoka dans le tout-monde, pour plagier un certain Edouard Glissant. Sauf qu’Édouard, je le trouve dur à lire, pour ne pas dire chiant, alors que là ça glisse tout seul, comme un petit 50° dans ta gorge, frêre. Même sur les morceaux les plus simples en apparence, c’est riche. C’est pop hors format; pas besoin de connaître le gwoka et ce qu’il représente, pour apprécier ce disque à sa juste valeur. Ce disque de revival ka fût la surprise que je n’attendais pas.