Au milieu des années 70, Trevor Horn n'est pas encore le producteur à succès que tout le monde reconnaît et s'arrache. Non. Tout droit sorti de sa vie étudiante, il se fait du fric ici et là dans la ville de Leicester, jouant avec d'autres groupes en studio, dans quelques soirées dansantes ou sur des émissions télévisées. C'est avec ce fric qu'il se bâtira son petit home-studio et les différentes rencontres déjà faites seront ses premières productions. Cela ne l'empêche pas à côté de penser à des projets musicaux plus personnels. Si les Buggles arriveront plus tard et que l'on en sait très peu sur ses premiers groupes comme Tracks (qui n'ont de toute façon pas aboutis à des albums), c'est bel et bien ce « Star to Star » de Chromium (Chrome aux States) que l'on peut attribuer comme « premier album » de TrevHorn.
A l'époque, nous baignons en pleine période Disco, il n'est donc pas étonnant que le jeune bassiste s'intéresse de près au genre et fortement influencé, sorte sous le nom de Big A les singles « Fly On UFO » et « Caribbean Air Control », passant complètement inaperçu en 1978. Il persévéra dans le Disco en produisant quelques succès pour d'autres artistes, aussi bien Dusty Springfield que la peu connue Tina Charles. C'est pourtant dans la bande de cette dernière qu'il rencontrera Geoff Downes, l'autre futur Buggles. L'américain qui dirigeait à l'époque «The Hit Factory » les appelle « Dites, je suis tombé sur Caribbean Air Control, c'est vraiment sympa, ça vous dit d'enregistrer un album ? ». Ainsi commencera la carrière du duo.
Pour les fans du groupe, « Star to Star » est quasi un album des Buggles, Hans Zimmer s'occupant déjà de l'instrumentation électronique et Louis Jardim des percussions et de la bass. Dans l'ère du Disco, des airs de Moroder, d'ailleurs, ce seront principalement des femmes qui seront les voix du projet (les inconnues Alma Thibou, Vikki Spence et aussi miss Linda Jardim qui fera partie des choeurs féminins sur les Buggles). On peut alors considérer cet album comme un très bon brouillon de ce qui arrivera dans la carrière de TrevHorn. Faisons le point :
- « Radar Angels » contient déjà le futur pont puéril au synthé et boite au rythme que l'on entendra sur Video Killed the Radio Star. Les choeurs sont typiques du groupe, les voix filtrées et transformées pour donner cette allure de science-fiction et la bass délirante tout en étant entraînante. Un très bon début pour ce premier voyage rétro-futuriste.
- « Forces of Light » commence avec ses arp comme un Moroder. Le travail sur les choeurs et la bass est toujours aussi convaincant.
- L 'éponyme « Star to Star » est une petite ballade facile et efficace, qui aurait pu être un succès confiée à une grande chanteuse... grandes chanteuses que TrevHorn rencontrera par la suite, et c'est tant mieux !
- « Time Traveler » dans son travail rythmique et instrumental ressemble étrangement au futur tube « Poison Arrows » d'ABC... que TrevHorn produira, bien entendu.
- « Castaway », encore une ballade synthpop sympathique, mais cette fois-ci, trop facile pour me convaincre totalement, un bon tiers des morceaux reprenant cette astuce (qui marche assez souvent, je vous l'accorde) de faire monter d'un ton le refrain sur la fin pour rendre le tout plus attractif.
- Technique aussi utilisée sur « Haunted Disco » qui lui, ressemble pour sa part à du Boney M, avec la voix grave riante introductive, les synthés faussement orchestraux et des pré-refrains à la gratte. On notera que pas mal de titres contiennent plus de parties que de simples refrain / couplet. Là on est plus sur du couplet, pré-refrain, refrain, post-refrain, pré-couplet (et parfois quelques ponts délirants) en boucle.
- « Beam On » utilise déjà du Vocoder et quelques petits trucs kitschs (kitsch omniprésent sur tout l'album, bien évidemment) et un refrain spécial qui en prédit d'autres futures, comme pour « Frankie Goes to Hollywood » par exemple.
- « Carribean Air Electronic » est ce qui ressemble le plus à du Buggles dans l'album, c'est sans doute du au fait que c'est le seul titre où Trevor chante la chanson entière. On est déjà complètement dans son délire, au point de se dire « Oui, je comprends pourquoi le single n'a pas marché à l'époque » avec le recul que l'on a à présent.
- « Fly on UFO » et son hymne accrocheur est très bien placé en conclusion de l'album, annonçant avec optimisme, en choeur et en boucle un futur radieux, la future carrière de mon cher TrevHorn.
Chromium était donc déjà un projet bien barré, un délire cosmique qui semble vouloir se passer entièrement dans un vaisseau spatial, rempli de choeurs enivrants, de basses amusantes . Les Buggles expérimentent déjà leurs petits effets iconoclastes dans l'univers de la musique Disco, ce qui donnent des morceaux parfois confus, offrant des passages un peu tâche ou désuets, alors que la production ne sonne pas encore totalement professionnelle. Mais peu importe ! Chromium n'est pas que le « très bon brouillon » de ce que sera les Buggles, il est aussi le l'excellent brouillon de toute la future carrière du producteur Horn. Et donc, un must que tout fan du bonhomme se doit d'écouter et apprécié à sa juste valeur.
Le terrain de jeu de ce génie est foulé en mode Disco, il sera poursuivi dans la Synthpop et dans l'Electro avec Art Of Noise entre autres. Une bonne revanche arrive car ce Star to Star méritait plus. Sous cette pochette moche se cache du très bon post-Disco.
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