"I am trying to make peace with where I am"
Entre 2013 et 2014, Kevin Morby a voyagé plus vite que la musique. Il a tourné avec les Babies, avec Woods. Il a défendu son premier album solo à travers le monde. Il a fait ses valises et quitté Brooklyn. Durant cette période mouvementée, il a quand même trouvé le temps d'écrire de nouvelles chansons. Avec Still Life, on le retrouve épuisé mais enfin paisible, échoué sur la côte californienne.
J'avais adoré Harlem River et ma crainte initiale, c'était que ce successeur arrive trop vite, soit bâclé, l'oeuvre d'un stakhanoviste en plein burn-out. Kevin m'a rassuré dès le premier titre. "The Jester, The Tramp & The Acrobat" est une ballade qui donne le ton : oui, il y aura de la torpeur mais elle sera joliment exploitée. La voix se fait plus lancinante, le groupe est toujours plus ou moins dans le coltard et les escapades fougueuses du premier album sont remplacés par une ambiance de coucher de soleil.
C'est peut-être une recette moins efficace mais, sur le long terme, encore plus attachante. On suit un songwriter qui doute, qui tourne en rond et retombe presque toujours sur ses pattes. Les tempos des sautillantes "Ballad of Arlo Jones" et "Motors Runnin" sont comme le dernier sursaut d'énergie d'un Kevin au bord de l'écroulement, qui cherche un endroit où reposer enfin ses vieux os. Et à partir du superbe et tout simple "All of My Life", l'album change de ton. L'échappée belle se transforme en une série de confessions.
Confessions romantiques (l'émouvant "Bloodsucker"), tragiques (le lancinant "Drowning"), bibliques ("Amen", prière où la voix se fait plus dylanienne que jamais). La ritournelle "Dancer" est un miracle d'arpèges et de voix superposés, une fragile cathédrale folk conciliant John Martyn et les Fleet Foxes. La berceuse "Our Moon" enchaîne les trouvailles sonores et le clou du spectacle reste la complainte "Parade", chanson la plus accessible et la plus réussie de Kevin Morby.
Still Life est un album d'insomniaques, de voyageurs en transit. Une bande-son pour ceux qui cherchent une maison, un endroit où se reposer.
"Here comes a new day with its sun, oh, its rise"