Super Barrio Bros. par NicoBax
De par le style des rappeurs qu'il a drainé depuis sa création, le Project Blowed a toujours plus ou moins eu une image de rap pourbackpackers, pour petits blancs ou pour grown ups qui trouvaient dans les disques d'Abstract Rude, Freestyle Fellowship et consorts le fond qui leur manquait dans le gangsta rap. Et pour les artistes en herbe, l'îlot de paix de Leimert Park (réputé pour ses clubs de jazz) était l'endroit rêvé pour confronter leurs expérimentations à un public sans pitié. Tu es un nerd dans ton bahut et les jocks te mènent la vie dure ? Tu peux devenir un héros au Blowed si tu sais rapper et encore plus si tu sais clasher.
C'est d'ailleurs comme ça que Jonathan "Dumbfoundead" Park a commencé sa carrière. Déscolarisé après le 10th grade (l'équivalant de notre seconde), Dumb s'est lancé à corps perdu dans le rap, multipliant les battles, imposant sa nonchalance et son air goguenard straight outta Korean Town. Un branleur jovial a l'humour potache, entre frat boy alcoolo et geek obsédé qui trouve en la personne de 8-Bit Bandit (obscur producteur californien adepte des sons façon NES de notre enfance) un partenaire de jeu à la hauteur de sa désinvolture.
L'exercice de produire à partir de jeux vidéo a déjà été tenté par d'autres et une fois passée l'effet nostalgique "rooooh bordel, c'est un sample de Mario", on range le disque dans un coin et on ne le ressort que pour faire marrer les copains qui ne sont pas branchés rap. Difficile donc de dépasser l'aspect OVNI pour imposer de réelles qualités artistiques.
Au 8-Bit Bandit donc de devenir le Luigi d'un Dumbfoundead sautillant comme un plombier italien sous champi. Le tiers de Thirsty Fish est impeccable du premier tuyau à la dernière warp zone, distillant son humour, son arrogance enjouée et ses qualités techniques sur les 10 titres rappés de l'album. Agé de seulement 21 ans au moment de la sortie de ce "Super Barrio Bros", DFD a déjà intégré la technique de ses ainés du Project Blowed : on retrouve une folie cartoonesque qui n'est pas sans rappeler les débuts de Busdriver (époque "Memoirs Of The Elephant Man") comme sur le très bon "Mash And Smash" ou l'école CVE/Hip Hop Kclan sur le nerveux "Bosses".
Là où le bas blesse, c'est au niveau des prods. Les morceaux instrumentaux sont rarement passionnants (si on fait exception de l'intro, oppressante et efficace), 8-Bit Bandit se contentant d'habiller légèrement des samples tirés de la machine grise et anguleuse de Nintendo. L'exercice, parfois très réussi (comme le hit de l'album "Three Pipes Down" avec Psykosiz, character designer dans le jeu-vidéo dans le civil) peut s'avérer assez pénible quand les nappes se superposent dans une cacophonie cheap ("Strategy Guide" pourtant très bien rappé) ou que la répétition se fait sentir ("Next Level" et "Glitch Ghost" ; "Bosses" et "Bad Villain").
Alors effectivement, le projet n'évite pas l'écueil le plus évident, son atout charme étant également son principal défaut : les prods de 8-Bit Bandit auront vite tendance à taper sur le système. En revanche, il serait vraiment dommage de passer à coté de la prestation de Dumbfoudead qui, la même année, faisait des étincelles au sein de Grindtime, la ligue de battle américaine.
Malgré son jeune âge, l'homme aux tentacules impressionne. Décontracté, décomplexé (comme en témoigne le cyber-stupid-punk "System"), Dumbfoundead sort l'artillerie lourde, un power flower qui crache des boules de feu, techniquement irréprochable et déjà ultra-complet. Un premier effort solo prometteur et annonciateur d'une suite des plus enthousiasmantes. Where's the LA underground? It's 3 pipes down!