Sur Seine (Live) par NicoBax
Java, en plus d'avoir réalisé un très bon premier album ("Hawaï", 2001), a la réputation d'être un groupe de scène. On imagine déjà le groupe, en petit comité, qui invite le public à pénétrer son univers éthylique et poétique sur fond d'accordéon et de contrebasse, jouant avec lui au grès des acrobaties verbales de son chanteur. On imagine, on espère mais finalement, Java prend son auditoire à rebrousse-poil.
"Java sur Seine" est un disque court mais a au moins le mérite d'avancer deux inédits : "Apocalypse" (dans la veine d'un "Danser") et "Chronique d'une toxine", seul morceau auquel Erwan n'a pas prêté sa plume.
Choix surprenant que d'introduire "Sur Seine" par un titre comme "Apocalypse". Le texte, brûlot contre les dérives du monde contemporain, tranche littéralement avec l'atmosphère générale de bonne humeur auquel le groupe nous avait habitué sur "Hawaï". Néanmoins, et surtout grâce à son refrain rageur porté par l'accordéon de Fixi, ce premier inédit a plutôt tendance à rassurer sur la suite.
Si l'absence de certains titres se fait sentir (mais où est "Et Dieu créa la flemme ?"), on est content de retrouver un titre comme "Le poil" pendant lequel, pour la première fois de l'album, on sent un vent de sympathie et d'échange avec le public souffler. "Pépètes", légèrement moins interprété qu'en studio (je chipote), nous rappelle également les belles heures de "Hawaï". Mais, outre "Sex accordéon et alcool" dont je reparlerai plus loin, c'est vraiment "Danser" qui, des titres de l'album, prend le plus d'ampleur sur scène avec sa montée en intensité au refrain.
Alors qu'on pouvait s'attendre à une véritable explosion, des débordements incontrôlés dans tous les sens, une atmosphère de fête, une véritable communion avec le public, c'est surtout sur le côté intimiste que le groupe a choisi d'appuyer avec "Sur Seine". "Apocalypse", "Chronique d'une toxine" (dans la même veine que le titre d'introduction), "Hawaï" et "Danser" participent de la même dynamique mélancolique qui domine amplement ce 7 titres (renforcée par la sortie instrumentale – loin d'être indispensable – de l'album).
Première bouffée d'oxygène dans cette atmosphère pesante où on a l'impression qu'Erwan s'est coupé de son public pour s'enfermer dans la tourmente de ses textes, "Le poil". Enfin on entend le groupe communiquer avec la salle, laquelle semble d'ailleurs apprécier qu'on la fasse participer à la fête. Erwan retrouve enfin un peu de la personnalité qu'on avait pu apprécier sur "Hawaï".
Mais c'est définitivement avec le bouquet final, leur hymne "Sex accordéon et alcool", qu'on retrouve le Java des grandes heures. Partant parfois dans un délire raggaman second degré (du moins, je l'espère), Erwan offre à la salle une version longue du hit de "Hawaï" - parsemée de couplets inédits parfois un peu lourdingues (et moins inspirés qu'à l'habitude) - qui fera plaisir aux fans du premier opus du groupe. Les petits ratés d'Erwann, le solo d'accordéon de Fixi et les échanges avec le public rendent à Java le coté parigot et naturel qui manquait à ce live, beaucoup plus axé autour de la contestation un peu fraggle.
Rares sont les groupes à pleinement réussir leurs albums live, la plupart se contentant d'interprétations identiques à celles des albums, le public en plus. Java n'évite malheureusement pas tout à fait l'écueil et ne parvient pas complètement à communiquer son goût pour la scène avec "Sur Seine". Edulcoré, le Java parigot et populaire. Renforcé, le coté "nouvelle scène française"... "Java sur Seine" annoncerait-il l'évolution du groupe ? Doit-on s'en inquiéter ? Retrouvera-t-on Java dans le même état que sur "Hawaï" pour leur deuxième album ? Autant de questions soulevées par ce live qui ne trouveront leur réponse qu'en 2003 avec la sortie de "Safari croisière".