Émergeant de la mer Baltique glaciale, le projet d'Aldenon Sartorial injecte une dose de fantasmes musicaux dans la grande famille du dark ambient, le gendre parfait pour toutes les lectures devant un grand feu, au milieu de la nuit, pendant que le tonnerre gronde à l'extérieur.
That Which Remains regorge d'extraits vocaux mixés à une lourde pénétration sonore, plongeant nos propres oreilles dans des abysses étouffantes. A commencer par l'inquiétant "The Scapegoat" dont la froideur masque superficiellement la lente descente vers un monde abominable. La voix de Sartorial introduit le chapitre "Opus 77", mêlant des impératifs nihilistes et des injonctions sur la liberté, un homme blessé dans son orgueil religieux ayant - enfin - réalisé ce qu'il a raté toutes ces années passées. Les douces frappes sur les tambours et synthétiseurs glissent vers la dimension de l'effroi. "Doppelgänger" entre dans la danse macabre, faisant dresser nos poils à chaque minute qui s'écoule sur ce titre. Les rictus déformés à outrance achèvent toute somnolence, poussant nos mains à enserrer le matelas ou la personne ayant le malheur de dormir à côté. Une première bulle d'air pur surgit par la mélodie apaisante de "Sanctus". Une voix féminine, un jeu de guitare discret, de lentes reprises latines apportent une certaine sécurité au milieu des infâmes bruits déchirants.
Le rythme reprend une certaine mesure lors de "Holy War, pt. 2 (Silence)". Les hallucinations ne sont pas tout à fait terminées, il faut éviter les pièges disséminés par l'être malin qui s'est incrusté depuis la première seconde de cet album. Si la première moitié inspire un espace béant devant nos yeux, la seconde, bourdonnante, imite la bête endormie à quelques pas de nous. Un seul geste brusque et qui sait si la créature n'invoquerait pas elle-même un portail vers une autre dimension, un présage laissé par la courte introduction de "The Veil".
Mais avant cet extrait jaillit un recueil vigoureux. "Our Lady of the Stars" fait office de rituel bénéfique, un sortilège de protection contre les manipulations de l'esprit sur ce qui nous entoure. Lentement, cette mélodie transpose au loin un éclair de lumière puissant, au-delà de l'imaginaire caverneux, empestant le soufre, vers des monts aussitôt illuminés par la grâce.
C'était sans compter cette transition de "The Veil", transportant l'auditeur jusqu'à sa propre disparition. "That Which Remains" insuffle un vent glaçant, crevant tout espoir de lutter contre ces entités obscures. Jusqu'à cet écho rédempteur à peine audible, laissant croire à un retour à la réalité, de plus en plus insistant au terme de l'album.
Ainsi, Coph Nia signe une immense œuvre, ne laissant aucun répit à notre imaginaire ni à nos craintes. Si vous recherchez une expérience intense, dirigez-vous sur cet album, ouvrez un Lovecraft et plongez dans la dimension effroyable du dark ambient.
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